Les autorités américaines ont discrètement intégré des dispositifs de géolocalisation dans certaines expéditions ciblées de puces avancées jugées à risque de détournement vers la Chine, selon les informations obtenues par Reuters.

Ces traceurs, placés dans des livraisons sous enquête, visent à détecter d’éventuelles violations des restrictions d’exportation vers des destinations interdites. L’initiative illustre l’intensification des moyens mis en œuvre par Washington pour faire respecter ses contrôles, alors même que l’administration Trump avait tenté d’en assouplir certains.

Traceurs de la taille d’un smartphone

La géolocalisation est une technique connue des autorités américaines, utilisée depuis des décennies pour suivre des produits sensibles. Selon plusieurs sources, elle a été déployée récemment pour surveiller des expéditions de serveurs embarquant des puces Nvidia et AMD, notamment ceux de Dell et Super Micro Computer. Les traceurs, parfois de la taille d’un smartphone, seraient cachés dans les emballages, voire à l’intérieur même des serveurs. Des vidéos montreraient des revendeurs chinois en train de les retirer. Dans un cas en 2024, une livraison Dell contenait à la fois de gros traceurs visibles et d’autres plus discrets.

Psychose de la backdoor

Les autorités impliquées incluent le Bureau de l’industrie et de la sécurité (BIS), le FBI et Homeland Security Investigations (HSI), qui n’ont pas souhaité commenter. Super Micro s’est refusé à toute déclaration sur les pratiques de traçage, tandis que Dell dit ignorer toute implication du gouvernement. Nvidia a décliné toute réponse ; AMD n’a pas réagi. La Chine, qui dénonce une volonté de freiner son développement technologique, s’oppose fermement à ces dispositifs. En juillet, son régulateur a convoqué Nvidia, redoutant des « portes d’entrée » (backdoor, soit un accès caché à un système informatique permettant d’y entrer sans autorisation), ce que le fabricant dément. Il y a quelques années, les Etats-Unis et certains autres pays occidentaux avaient banni les équipements réseau Huawei pour les mêmes craintes.

Des chemins détournés

Le traçage s’inscrit dans une stratégie plus large : depuis 2022, les Etats-Unis ont renforcé les restrictions sur l’exportation de puces vers la Chine et la Russie. Reuters a révélé en début d’année que des filières de contournement existaient via Singapour, le Vietnam ou les Emirats arabes unis. Les autorités américaines peuvent installer ces traceurs avec un mandat judiciaire ou un simple feu vert administratif, parfois avec l’accord de l’entreprise expéditrice. Mais dans certains cas, ces dispositifs sont placés à l’insu de tous. Selon un affidavit (déclaration sous serment) déposé récemment, des revendeurs chinois, parfaitement conscients de contourner le système, vérifient systématiquement les expéditions détournées pour s’assurer de l’absence de traceurs. L’histoire ne dit pas ce qu’il advient des mouchards qui ont été découverts.