Par
Bastien Grossin
Publié le
13 août 2025 à 17h30
C’est une affaire pour le moins sordide qui était jugée au tribunal de Lille (Nord) le mardi 5 août. Il est 19 h quand l’audience s’ouvre. À la barre, deux jeunes prévenus, en couple au moment des faits, comparaissent pour proxénétisme aggravé. La jeune femme, née en 2004, et le jeune homme, né en 2006, sont accusés d’avoir organisé et facilité la prostitution d’adolescentes mineures entre avril et mai 2025, dans différents logements loués à Lille, Tourcoing et Mons-en-Barœul. Dans le box, ils baissent les yeux. Elle, le regard dans le vide, répond par des phrases laconiques : « Ça me dégoûte », « Je ne sais pas comment j’ai pu laisser faire ça. » Lui, essaie d’expliquer ses actes et nie une partie des faits et parle d’un « engrenage » dans lequel il se serait retrouvé.
« Je les ai aidées à se prostituer… Donc oui, je suis un proxénète. »
Il aura fallu près de cinq heures d’audience, de justifications, de réponses au compte-goutte et de questions relancées pour reconstituer le récit, particulièrement complexe. Quand ils sont arrêtés le 26 mai 2025, les jeunes adultes comprennent que c’est grave. Mais pour eux, le mot « proxénète » sonne trop fort, trop important. À la barre, ils disent n’avoir « rien organisé », n’avoir fait que « fréquenter deux filles qui se prostituaient » et d’avoir profité de la situation. C’est seulement après un rappel sur la définition du délit que l’homme âgé de 20 ans explique : « Indirectement, je les ai aidées à se prostituer… Donc oui, je suis un proxénète. » Pourtant, le tribunal ne semble pas adhérer à cette version et reproche une minimisation des faits.
Retours sur les faits
Pour comprendre cette affaire, il faut remonter au début du mois de mars. À ce moment-là, la prévenue poste une annonce sur un site d’escorte et commence à se prostituer. Rapidement, elle fugue et rencontre celui qui va devenir son petit ami, qui va la convaincre d’arrêter. « Il n’aimait pas que je fasse ça », confie la jeune femme à la barre. Pour autant, l’annonce postée sur le site ne disparaît pas du site. Au contraire, elle va avoir un tout autre rôle : prostituer des mineurs.
Le 17 mai 2025, deux adolescentes âgées de 16 ans qui avaient disparu depuis un mois environ réapparaissent chez la mère d’une d’entre elles. Elles expliquent avoir été séquestrées par deux jeunes adultes et forcées de se prostituer après une soirée passée près de Lille. Absentes le jour de l’audience, elles ont déclaré dans leur plainte qu’ils avaient l’habitude de changer de location presque tous les jours. Mais un de leur client se rend compte de l’âge des jeunes filles et alerte les forces de l’ordre.
Tous ces éléments permettent aux policiers de remonter jusqu’au jeune couple et de mettre en place une surveillance physique et téléphonique pour réunir des preuves. La présidente explique que lors de leur interpellation, une autre adolescente de 14 ans est retrouvée dans la chambre à côté des deux proxénètes, ainsi que plusieurs grosses sommes d’argent en espèces.
Une lettre et une vidéo sèment le doute
L’un des enjeux majeurs du procès consiste à établir le rôle précis de chacun dans cette affaire, mais aussi à cerner la personnalité des deux prévenus. Tous deux ont grandi dans un environnement instable. Lui, possède déjà un lourd casier judiciaire. Elle, a traversé de nombreux traumatismes. Son avocate met des mots là où la jeune femme se tait : dépression, addictions, tentatives de suicide et agressions sexuelles ont marqué son parcours.
Malgré plusieurs lettres d’amour écrites à destination du jeune homme en détention, une lettre écrite par la jeune femme à sa mère sème le doute. Elle y explique que son ex-copain la battait et l’obligeait à rester impliquée dans la prostitution des trois adolescentes. Par ailleurs, une vidéo la montre en train de se faire insulter et étrangler par son ancien compagnon.
Deux ans et cinq ans d’emprisonnement
Compte tenu des circonstances, les peines ne sont pas identiques pour les deux jeunes adultes. Si elle est relaxée pour « embauche, entraînement ou détournement » de mineures, elle est tout de même condamnée à deux ans d’emprisonnement, dont neuf mois de sursis probatoire et obligation de soins. Lui, écope d’une peine de cinq ans d’emprisonnement. L’avocat du jeune homme dénonce : « Ce n’est pas parce qu’on a cogné fort cette fois-ci que c’est quelque chose qui va se stopper » et ajoute : « On n’est pas sur quelqu’un qui a monté une agence de prostitution. On est sur quelqu’un qui en a peut-être un peu profité. Il s’est laissé entraîner, je suppose, et a été happé par cet argent facile et l’opulence. »
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