LE MATCH DES TUBES (29 / 40) – À la fin des années 1990, les boys bands dominent la variété française et Larusso renverse la table. Après avoir été méprisés, ils reviennent au goût du jour au début des années 2020. Enfin un plaisir coupable que l’on peut assumer.
On a souvent fustigé les tubes des années 1990 portés par les boys bands ou girls bands ou les artistes d’un seul tube. Musiques trop similaires, paroles légères et voix interchangeables… Les spécialistes musicaux n’avaient pas de mots assez durs pour les critiquer. Force est de constater que le temps a fait son œuvre et que la nostalgie bat son plein. Au point que des artistes dits « sérieux » reprennent ces titres longtemps fustigés. Pour ce 29e duel, s’opposent deux « hits » : « Tu m’oublieras » de Larusso et « Partir un jour » des 2Be3.
En 1996 déboulent trois jeunes garçons très musclés et bien sous tout rapport. Ils savent danser, un peu moins chanter. Totalement construit d’un point de vue marketing, le groupe 2Be3, composé de Filip, Adel et Frank, copie East 17 et Take That. Laurent Marimbert compose la musique, très urbaine et dance. Une certaine Pénélope Marcelin écrit les paroles qui resteront le symbole de ce groupe de potes d’enfance. « Partir un jour sans retour. Effacer notre amour sans se retourner, ne pas regretter. Garder les instants qu’on a volés. » Le sens de la chanson est à trouver chez Horace (« Carpe diem ») ou Ronsard (« Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie ») : profitons de l’instant présent et surtout ne regrettons pas. Les paroles restent limitées mais sont d’une efficacité redoutable. Comme la mélodie imparable qui reste en tête de longs moments. 450 000 exemplaires vendus plus tard, la carrière des 2Be3 est lancée aussi vite qu’elle s’arrête en 2001. En mai dernier, la nouvelle star populaire Juliette Armanet reprend, sobrement, « Partir un jour » avec un piano-voix sensible. Voilà le titre honni habillé de grâce et de volupté.
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La tempête Larusso
« Tu m’oublieras » est l’ouragan de 1999. Larusso, une pimpante artiste de 20 ans, déboule dans la variété française avec une reprise de « You Will Forget » d’Irma Jackson, elle-même reprise par Régine. La chanson de rupture amoureuse est sublimée par la voix, la gouaille de Larusso et l’arrangement R’n’B. « Tu oublieras les sourires, les regards qui parlaient d’éternité. Tous ces mots que l’on jure de ne jamais oublier. Tu oublieras, tu m’oublieras », envoie la Parisienne. On se déhanche et on répète en boucle le refrain en anglais : « You will forget (I will). No more you and I (no more) Yeah, yeah, yeah, yeah, yeah. » Les trois minutes quarante passent à la vitesse de l’éclair. Le titre est d’une efficacité redoutable qui emballe plus de 1,2 million de personnes. Après avoir remis au goût du jour les chansons de l’entre-deux-guerres, Patrick Bruel fait en 2023 le grand écart. Il enregistre « Tu m’oublieras » le plus sérieusement du monde, au piano, et avec sa voix sensuelle, ce qui redonne au titre sa tristesse naturelle. « Je te le dis quand même… »
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Difficile de trancher entre ces deux plaisirs coupables des années 1990. Alors qu’un biopic sur les 2Be3 se prépare, nous devons voter pour « Tu m’oublieras ». Tant pour la version originale de Larusso qui donne, malgré le texte triste – mais impeccablement écrit – la pêche, que pour la reprise plus sincère de Bruel. On n’est pas près de l’oublier.