Wasim, 36 ans, a vécu toute sa vie à Gaza, au milieu des bombes et de la violence. À tel point que le Palestinien a fini par s’y habituer. « J’ai connu toutes les guerres civiles. J’ai tellement côtoyé la mort et perdu de proches, que ça a fini par me paraître normal », raconte celui qui a perdu ses cousins, et plus récemment son frère.
Jusqu’au jour où il décide de mettre un terme à cette vie de terreur. Pas pour lui, mais pour sa fille Lara, née en mai 2022. « Au mois d’août, nous avons fait face à une escalade de violence à Gaza. Il n’y a rien de pire que le bruit des missiles: tu sais que ça va tomber, mais tu ne sais pas où. J’avais ma fille dans les bras, et j’étais désespéré. Je ne voulais pas qu’elle vive dans la peur. Car finalement c’est tout sauf normal. »
« Il fallait que je trouve une solution »
Wasim, titulaire d’un master en gestion, quitte alors son poste de coordinateur de projet humanitaire. Il commence son périple le 15 février 2023, après avoir réussi à obtenir un visa touristique aux États-Unis. Les choses se compliquent dès lors que sa femme et sa fille prennent l’avion pour le rejoindre, elles aussi munies de leurs visas touristiques. « Elles ont été stoppées à l’aéroport George-Bush de Houston. Pour les autorités, leur venue était considérée comme de l’immigration. Nous avons donc quitté les USA ensemble. Et elles sont reparties à Gaza. »
Mais Wasim tient à poursuivre son périple. « Pour moi, repartir en arrière était synonyme d’échec. Et je ne peux pas échouer, il ne fallait pas que je m’arrête, il fallait que je trouve une solution. »
Il parvient alors à rejoindre la France, où il reste pendant trois jours en zone d’attente de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle. À l’issue desquels il obtient un permis de rester en France pour une durée de huit jours.
Malgré les embûches, le jeune homme se définit comme « une personne chanceuse »: « Une fois à Paris, J’ai appris qu’un ami de Gaza y habitait. C’est lui qui est venu me récupérer. »
Après un passage à la préfecture pour déposer sa demande d’asile, puis un mois passé au foyer Adoma de Nice, Wasim arrive à Toulon le 13 juin 2023, sans parler un seul mot de français.
Commence alors un chemin de croix administratif, entre convocations à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), rejets des demandes d’asile, et audiences devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Sa béquille: son avocate, Me Lucie Simon, qui a mis Wassim « en confiance dès le début » lui promettant de ne « jamais le lâcher ».
Le 13 septembre, Wasim obtient enfin le statut de réfugié. « Un gros soulagement », concède-t-il. Un bonheur qui sera de courte durée puisque la guerre est déclarée le 7 octobre. Son frère de 26 ans se fera tuer à Gaza quelques jours plus tard, lors du bombardement de la mosquée dans laquelle il priait avec son père. « Je suis resté enfermé dans la chambre du foyer pendant trois mois, ça a été si dur mentalement », raconte Wasim, qui confie « ne plus dormir depuis un an et demi ». Malgré la douleur, le père de famille met alors tout en œuvre pour aider ses proches à quitter Gaza et se réfugier au Caire. « Aujourd’hui, ils sont en sécurité », assure-t-il.
Une vie sociale bien remplie
En sécurité, mais loin de lui. « J’ai déposé une demande de réunification familiale, pour que ma fille puisse me rejoindre en France. » Pour l’heure, aucune réponse ne lui a été donnée. Depuis son arrivée à Toulon, Wasim a appris le français, qu’il parle presque couramment, et vit dans une résidence sociale. Après plus de 500 candidatures déposées et des mois sans trouver de travail, et ce malgré son bac +5, le jeune Palestinien a enfin décroché un emploi.
« Je travaille au sein de l’association humanitaire Aides, en tant que coordinateur de projet. » Il le sait, il doit beaucoup à la France: « Je me suis fait beaucoup d’amis, j’ai une vie sociale bien remplie, je pratique plusieurs activités: par exemple, j’adore aller jouer au billard! »
Une intégration plus que réussie, avec comme seule ombre au tableau l’absence de sa fille à ses côtés. Après avoir tout fait pour l’accueillir dans les meilleures conditions possibles et lui offrir une vie loin des missiles et de la peur, Wasim ne peut qu’espérer trouver la paix. Enfin.