Malgré la décision du chancelier Friedrich Merz de suspendre partiellement certaines ventes d’armes à Israël en raison de la guerre à Gaza, les liens industriels entre les fabricants d’armes allemands et l’armée israélienne devraient perdurer. L’embargo ne concernerait que les armes susceptibles d’être utilisées à Gaza, tandis que des exportations de grande valeur, comme les sous-marins et corvettes, resteront autorisées.

En outre, les importations allemandes en provenance d’Israël, notamment le système de défense antimissile Arrow-3, ne seraient également pas affectées.

« Il semble peu probable que cela affecte les relations industrielles entre Israël et l’Allemagne dans le domaine de la défense à long terme », explique Zain Hussain, expert en commerce d’armes à l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI).

L’Allemagne est le deuxième fournisseur d’« armes lourdes » d’Israël après les États-Unis, et Zain Hussain estime qu’« Israël continuera à dépendre de ces États pour une grande partie de ses capacités en matière d’armement ».

Portée de l’interdiction

Une question reste en suspens : les livraisons de moteurs, de boîtes de vitesses et de pièces de rechange de fabrication allemande destinés aux véhicules blindés israéliens, largement déployés à Gaza et en Cisjordanie occupée, vont-elles se poursuivre ?

Lundi 11 août, un porte-parole du gouvernement allemand a refusé de répondre aux questions concernant les pièces de chars, se contentant de déclarer que chaque cas serait évalué individuellement. Le fabricant de moteurs MTU, qui ferait partie des fournisseurs, a déclaré qu’il se conformerait aux règles de contrôle des exportations des pays dans lesquels il opère, mais qu’il ne ferait aucun commentaire sur d’éventuelles exportations vers Israël.

Pour Muriel Asseburg, experte sur Israël à l’Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité (SWP), les restrictions imposées par Friedrich Merz ont été délibérément présentées comme limitées dans leur portée et leur durée, ce qui rend peu probable tout impact à long terme sur les relations en matière de défense. Toutefois, « le fait que le deuxième fournisseur d’armes d’Israël impose un embargo partiel envoie tout de même un signal », selon elle.

Elle a également averti que le gouvernement israélien d’extrême droite pourrait « provoquer de nouvelles répercussions ».

Les acteurs de l’industrie allemande de la défense restent également dans le flou. Le président du groupe de pression allemand de l’industrie de la défense BDSV, Hans Christoph Atzpodien, a confié lundi 11 août à Euractiv qu’ils « ne disposaient d’aucune information au-delà de celles rendues publiques ».

Thyssenkrupp Marine Systems, qui produit des navires militaires pour Israël, a également déclaré ne disposer « d’aucune information officielle de la part du gouvernement fédéral ».

Selon le SIPRI, des corvettes navales israéliennes Sa’ar 6, partiellement construites par Thyssenkrupp Marine Systems, auraient été utilisées à Gaza.

Friedrich Merz a précisé dans un document interne de son parti (CDU) que l’embargo ne s’appliquerait pas aux « équipements de défense aérienne et maritime, qui sont essentiels à l’autodéfense d’Israël ».

Fournitures allemandes et secret des exportations

Les détails concernant les exportations d’armes allemandes sont en grande partie confidentiels, les licences d’exportation étant approuvées dans le plus grand des secrets par le Conseil national de sécurité (un organe du gouvernement fédéral). Hormis les chiffres semestriels sur la valeur totale des exportations de produits de défense, peu d’informations sont officiellement divulguées.

En 2023, l’Allemagne a accordé pour environ 326 millions d’euros de licences d’exportation à Israël, près de dix fois plus que l’année précédente, dans le cadre d’une procédure prioritaire après le 7 octobre 2023. En 2024, 161 millions d’euros ont été approuvés.

Au premier semestre 2025, l’Allemagne a exporté pour environ 90 millions d’euros d’armes vers Israël, selon les chiffres du ministère de l’Économie. Les livraisons comprenaient des armes à feu, des munitions, des pièces d’armes, des équipements spéciaux pour l’armée et la marine, des appareils électroniques et des véhicules blindés spéciaux, selon les informations obtenues par le parti de gauche Die Linke dans le cadre d’une enquête parlementaire.

Muriel Asseburg note également qu’il est difficile de déterminer, à partir des informations publiques, quelles armes fabriquées en Allemagne sont directement utilisées à Gaza. Cependant,même les équipements déployés ailleurs libèrent d’autres moyens pour la campagne militaire israélienne. Ainsi, les livraisons allemandes de « corvettes, d’armes antichars, de pièces mécaniques pour véhicules blindés, de munitions pour véhicules blindés, d’armes légères et de munitions pour armes légères » sont toutes « importantes pour la guerre d’Israël dans la bande de Gaza », affirme-t-elle.

Elle ajoute que « l’extrême dépendance d’Israël à l’égard des livraisons d’armes et du financement des États-Unis » rendait les décisions du président américain Donald Trump « décisives » pour influencer le comportement d’Israël.

 

In the first half of 2025, Germany exported about €90 million in weapons to Israel, according to economy ministry figures. Shipments included firearms, ammunition, weapon parts, special army and navy equipment, electronics and special armoured vehicles, according to information obtained by the left-wing Die Linke party through a parliamentary inquiry.