En France, 250.000 personnes seraient touchées par ce syndrome, dont 80% de femmes.
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Des chercheurs britanniques ont identifié huit «signaux génétiques» qui diffèrent chez les personnes atteintes d’encéphalomyélite myalgique.

Une découverte qui pourrait changer la vie des personnes atteintes d’encéphalomyélite myalgique (EM) ou syndrome de fatigue chronique (SFC). Des «signaux génétiques» seraient liés à cette maladie, selon une étude d’ampleur intitulée DecodeME. Fruit d’une collaboration entre l’Université d’Édimbourg, des associations caritatives et des patients atteints d’EM/SFC, le projet a été lancé en 2022 afin d’explorer le rôle des gènes dans le développement du syndrome. Les chercheurs qui y ont travaillé ont, pour ce faire, analysé 15.579 échantillons d’ADN provenant de personnes atteintes d’EM/SFC et ceux de plus de 250.000 personnes non atteintes.

Les premiers résultats, partagés lors d’une conférence au début du mois, n’ont pas encore été publiés dans une revue à comité de lecture, mais sont disponibles depuis le 6 août sur le site de l’université d’Édimbourg. Les chercheurs de DecodeME expliquent avoir identifié huit régions génomiques associées à l’EM/SFC. Leur découverte suggère que plusieurs variantes de gènes communément trouvées dans la population augmentent le risque de développer la maladie, même si de nombreuses personnes porteuses de ces variantes ne l’acquerront jamais.


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Le professeur Chris Ponting, qui a participé aux travaux de recherche, commente auprès du Guardian  : «Ces résultats constituent la première preuve solide de l’influence génétique de l’EM. De nombreuses variantes génétiques, présentes dans le génome, prédisposent les personnes à recevoir un diagnostic d’EM.»

«Prévisible»

Les huit régions génétiques qui se sont distinguées chez les personnes atteintes d’EM/SFC contiennent des gènes impliqués dans les défenses immunitaires et le système nerveux. Des recherches doivent encore être faites, mais ces résultats suggèrent que certaines variantes génétiques pourraient rendre les personnes plus vulnérables à l’EM/SFC en compromettant leur capacité à combattre les infections bactériennes et virales.

Interrogé par la revue américaine Science, le généticien statisticien de l’Université d’Aarhus Doug Speed (qui n’a pas participé aux travaux) a salué l’approche de l’équipe. Il a toutefois averti que ces différences génétiques ne semblent expliquer qu’une infime partie du risque de développer l’encéphalomyélite myalgique, laissant la majeure partie de la variation inexpliquée. «C’était largement prévisible», indique-t-il, car pour de nombreuses maladies humaines, «le risque est influencé par des milliers de variantes génétiques, chacune n’ayant, à elle seule, qu’une influence minime.»

L’équipe de DecodeME est tout de même très positive. Ces découvertes «renforcent véritablement la crédibilité des personnes atteintes d’EM», s’est félicitée Sonya Chowdhury, directrice générale d’Action for ME et co-investigatrice de DecodeME. «Nous savons que de nombreuses personnes ont entendu des commentaires du genre “l’EM n’existe pas”. Elles ont consulté des médecins qui n’ont pas été crus ou qui leur ont dit que ce n’était pas une vraie maladie.»

Pas encore de traitement

Le syndrome de fatigue chronique est décrit par la revue américaine Science comme étant «mal compris». Il toucherait plusieurs millions de personnes dans le monde. Les symptômes typiques incluent une fatigue extrême, des troubles du sommeil, un brouillard cérébral et une aggravation des symptômes après une activité physique ou mentale, appelée malaise post-effort, dont la guérison peut prendre des semaines, détaille le Guardian . Souvent diagnostiquée suite à une infection, l’EM/SFC présente des symptômes communs avec des maladies postvirales comme le Covid long.


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Il n’existe pas de test clinique pour cette maladie, dont le diagnostic repose généralement sur l’élimination d’autres causes possibles des symptômes. Les personnes atteintes d’EM/SFC doivent depuis longtemps lutter contre l’idée que leur maladie est un trouble psychologique plutôt que physique, puisqu’elle est encore rejetée par de nombreux membres de la communauté médicale. En France, 250.000 personnes seraient touchées par ce syndrome, dont 80% de femmes. Cette prévalence n’a malheureusement pu être expliquée par l’étude génétique. S’il n’existe pas encore de traitement pour soigner l’EM/SFC, les chercheurs espèrent que leurs découvertes inciteront les investisseurs à financer davantage de travaux de recherches, qui pourraient permettre d’en trouver un.