En Allemagne, “les dangers de la chaleur sont à peine présents dans la conscience collective”, regrette Die Tageszeitung (Taz). Quelque 1 660 personnes sont pourtant mortes pour cette raison depuis le début de l’été, selon l’institut Robert-Koch, et, “lors des deux étés caniculaires de 2018 et 2019, le nombre total de décès avait dépassé les 15 000”. C’est ce constat d’échec qui a poussé la Taz à regarder ce qui se passe de l’autre côté du Rhin. “Liberté, égalité, protégés [de la chaleur] !” s’exclame le titre (presque) en français dans le texte. La France, estime la Taz, “montre l’exemple” en matière de canicule.
Pour le journal berlinois, c’est l’électrochoc causé par la grande canicule de l’été 2003 qui a transformé l’approche française, après que 15 000 personnes ont perdu la vie :
“La France n’était pas préparée à cette catastrophe sanitaire, et la pression politique a été telle après coup qu’à peine un an plus tard un plan canicule national était mis en place − obligatoire pour toutes les communes du pays.”
Depuis lors, poursuit le média, “un système d’alerte à plusieurs niveaux est en vigueur de juin à la mi-septembre” et les pompiers sont préparés à “une augmentation du nombre d’interventions” en raison de la chaleur.
L’Allemagne n’a pas été touchée si durement par la chaleur au début des années 2000, explique la Taz, et elle a donc tardé à réaliser l’importance de mettre en place des mesures de protection. De plus, sous ce régime fédéral dans lequel les communes n’ont pas l’obligation de mettre en œuvre un tel plan, certaines n’ont pas les ressources nécessaires pour le faire en raison d’importants déficits budgétaires.
“L’aspect social”, pour éviter l’isolement
En raison de la “généralisation” des mesures de prévention, “la protection contre la chaleur est devenue partie intégrante de la vie des Français” ces vingt dernières années, souligne Moritz Ochsmann, urbaniste interrogé par la Taz. Et cela tiendrait selon lui à une prise de conscience qui se résumerait en “deux mots-clés” : “l’ignorance et l’isolement”. Au début des années 2000, “les Français partaient en vacances d’été, tandis que de nombreuses personnes âgées restaient seules chez elles et mouraient dans leurs appartements surchauffés”, explique-t-il, si bien que les décès liés à la canicule “étaient perçus en France comme une catastrophe sociale, un échec collectif”.
Désormais, “l’aspect social de la protection contre la chaleur” est mieux connu et “un réseau de solidarité” s’est tissé au sein de la société, salue le journal, qui liste plusieurs exemples. En cas de fortes chaleurs, “les postiers ou les caissiers demandent aux personnes âgées comment elles vont”, et “dans les pharmacies on prend leur tension artérielle et on leur propose un verre d’eau, un endroit pour se reposer”. Même les enfants sont devenus “des relais”, car ces questions sont abordées en classe.
Cela ne veut pas dire pour autant que la protection des plus fragiles peut reposer uniquement sur les initiatives citoyennes, tempère le spécialiste : “On m’a accusé de minimiser l’importance des mesures d’urbanisme, mais ce n’est pas ce que je veux dire.” Comme l’écrit la Tageszeitung :
“Nous avons besoin des deux : plus d’arbres et plus d’interactions sociales en période de chaleur.”