Des chercheurs viennent de démontrer qu’un médicament utilisé contre une maladie génétique pourrait devenir une arme redoutable contre les moustiques, y compris ceux résistants aux insecticides. Voici ce que révèle leur étude.

L’idée semble tout droit sortie d’un film de science-fiction : un simple médicament, disponible sur ordonnance, pourrait faire de votre sang un poison mortel pour les moustiques. Et selon une nouvelle étude publiée le 31 juillet, même sans être consommé, ce produit chimique tue les moustiques rien qu’au contact de leurs pattes.

La nitisinone, utilisée pour traiter deux maladies génétiques rares, est aujourd’hui au cœur de recherches prometteuses pour enrayer la propagation du paludisme et de la dengue. Les tests réalisés ont démontré qu’elle tue les moustiques, même ceux immunisés contre les insecticides, soit après ingestion de sang traité, soit en marchant simplement sur des surfaces imbibées.

Une toxine végétale à double usage

La nitisinone est dérivée d’un composé toxique naturellement présent dans le goupillon, une plante australienne. Ce médicament, approuvé par la FDA en 2002, est principalement utilisé contre la tyrosinémie de type I et l’alcaptonurie. Deux affections génétiques qui empêchent le corps de dégrader correctement la tyrosine, un acide aminé selon Science et Vie.

<p>Moustique posé sur un bras.</p> © Getty Images/iStockphoto

Moustique posé sur un bras.

Mais les chercheurs ont découvert un effet secondaire aussi inattendu que décisif : chez les moustiques, la nitisinone bloque une enzyme indispensable à la digestion des protéines du sang. Résultat, leur système digestif se bouche, provoquant leur mort en quelques heures seulement.

« Cette étude démontre que la nitisinone présente un nouveau mode d’action distinct des [insecticides] actuels en ciblant spécifiquement les processus de digestion du sang », expliquent les auteurs de l’étude parue dans Parasites & Vectors.

Une efficacité prouvée sans ingestion

Si l’effet du médicament par ingestion de sang traité était déjà connu, la nouvelle étude apporte une découverte capitale : le contact seul avec des surfaces recouvertes de nitisinone suffit à tuer. Les chercheurs ont exposé plusieurs espèces de moustiques à des surfaces traitées, avant ou après avoir bu du sang. Dans tous les cas, les insectes ont montré les mêmes symptômes : paralysie, pigmentation foncée et mort rapide.

L’un des auteurs principaux, Lee Haines du LSTM, a salué ces résultats comme un tournant. « Ce projet a prouvé à quel point il est important de sortir des sentiers battus », a-t-il déclaré dans un communiqué. Et d’ajouter : « L’utilisation d’un médicament comme la nitisinone et sa polyvalence sont de bon augure pour la création de nouveaux produits anti-moustiques ».

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Une alternative prometteuse aux insecticides classiques

Alors que les moustiques résistants prolifèrent et que les insecticides perdent de leur efficacité, la nitisinone ouvre une nouvelle voie. D’après l’OMS, plus de 90 % des pays touchés par le paludisme signalent une résistance à au moins un insecticide, et environ 263 millions de personnes sont infectées chaque année tel que paru dans Popular Science.

Pour les chercheurs, cette piste est sérieuse. « Son efficacité à tuer les moustiques résistants aux insecticides pourrait changer la donne dans les régions où la résistance aux insecticides actuels est à l’origine de l’échec des interventions de santé publique », souligne Lee Haines.

À l’avenir, il pourrait suffire d’enduire moustiquaires ou textiles de ce médicament pour réduire drastiquement les piqûres. Une perspective inattendue, née d’un médicament destiné à sauver des vies… et qui pourrait, en prime, en épargner bien d’autres.