La librairie Violette and Co a été taguée en raison de l’exposition d’un livre de coloriage sur la Palestine. L’établissement, situé dans le XIe arrondissement à Paris, est depuis victime d’une « campagne d’intimidation ».
La librairie Violette and Co, située dans le XIe arrondissement de Paris, victime « d’une campagne d’intimidation, de dégradations et de menaces » depuis le début de l’été. L’établissement spécialisé dans la littérature féministe, lesbienne et LGBTQ+ révèle dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux le 11 août, avoir été prise comme cible en raison des choix des livres exposés pour leur vitrine estivale. On y retrouve des œuvres sur « l’extrême droite, le racisme, le colonialisme, la Palestine , et des romans d’auteur·ices queers et féministes arabes ».
Parmi les titres : Extrême droite: la résistible ascension de Clémence Guetté, Le péril Bolloré de Marie Bénilde, Rendre impossible un État palestinien: l’objectif d’Israël depuis sa création de Monique Chemillier-Gendreau, Le nettoyage ethnique de la Palestine d’Ilan Pappé, France, terre d’écueils: Au cœur de la maltraitance administrative des étrangers de Marianne Leloup-Dassonville ou encore From the river to the sea de Nathi Ngubane et Azad Essa, un livre de coloriage sur la Palestine. La devanture a été pensée en réaction aux « discours homonationalistes (dénoncer l’instrumentalisation des droits LGBT+ par des gouvernements nationalistes) et fémonationalistes (l’instrumentalisation d’un discours féministe à des fins “racistes, islamophobes et xénophobes”) », explique la librairie sur les réseaux sociaux.
Cette sélection -et notamment la présence du livre de coloriage From the River to the Sea- suscite de violentes réactions. Début juillet, en arrivant sur leur lieu de travail, les libraires découvrent l’établissement tagué des inscriptions « Islamo Complice » et « Hamas violeur ». Le personnel de l’établissement décide alors de porter plainte auprès du procureur de la République. Le livre est également retiré de la devanture « parce qu’on a peur », révèle Loïse, cogérante de Violette and Co dans les colonnes de Mediapart . Les intimidations recommencent quelques semaines plus tard. Les libraires racontent avoir été confrontés le 6 août à un groupe de cinq femmes qui se demandait pourquoi un « livre de coloriage sur la Palestine était affiché en vitrine ». Les clientes affirment en « haussant le ton » : « la Palestine n’existe pas » et « il n’y a pas de génocide ».
Bolloré et des députés Républicains épinglés
C’est le début d’une campagne « de cyberharcèlement ». Le lendemain, le 7 août, la librairie reçoit des appels téléphoniques au sujet du fameux livre de coloriage. Les réseaux sociaux s’enflamment à leur tour après la publication d’un tweet devenu viral décrivant le livre cosigné par Nathi Ngubane et Azad Essa comme « une propagande du Hamas ». L’un des auteurs, Nathi Ngubane, avait présenté son projet dans les colonnes de Mail & Guardian « comme un ouvrage d’activités accessible aux enfants, qui leur apprendrait aussi des choses sur la lutte de la Palestine pour la liberté ». Pour certains internautes, ce livre est une « propagande terroriste » en raison de son titre qui possède un double sens. From the river to the sea (« De la rivière à la mer ») était à l’origine un slogan utilisé par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) dans les années 1960 pour revendiquer la création d’un État s’étendant de la mer Méditerranée au Jourdain. Trente ans plus tard, l’expression a été détournée par le Hamas pour « appeler à la destruction d’Israël ».
La polémique s’étend jusqu’au cercle de certains députés Républicains, comme Aurélien Véron et Nelly Garnier. Ces derniers écrivent sur les réseaux sociaux qu’il s’agit d’un livre « antisémite », appelant à « la disparition d’Israël ». La nouvelle se propage également dans les médias et notamment ceux appartenant à Vincent Bolloré, souligne la librairie. « CNews, Le Journal du Dimanche et Europe 1» auraient « alimenté le harcèlement » en « relayant de fausses informations » à propos du livre, écrit l’établissement.
Le personnel de Violette and Co se dit « consterné qu’un livre de coloriage choque plus qu’un génocide ». Aujourd’hui, l’établissement révèle avoir reçu une vague de soutien de la part des clients et des internautes. Les 30 exemplaires de From the river to the sea disponibles dans la librairie ont été vendus, se réjouit Violette and Co dans une story Instagram. La demande étant de plus en plus forte, le livre sera même réimprimé et l’établissement réapprovisionné durant les prochains jours.