Quiconque a goûté aux longueurs chlorées sait que la pratique en piscine ne s’accompagne pas spontanément de musique. La concentration pour éviter les collisions, le plaisir d’observer les coulées parfaites de ses voisins de ligne offrent largement de quoi s’occuper. Sans parler du bonnet en silicone qui compresse les oreilles. Et puis pourquoi s’imposer une bande-son quand on a déjà le doux glouglou des gouttes et le brouhaha vaporeux des bassins ? La nage, cette rare apnée en soi-même, se suffit à elle-même.

La musique présente pourtant de sérieux atouts pour qui fréquente l’eau. Elle offre un peu de distraction quand il s’agit d’avaler les longueurs, surtout l’hiver. Et si Léon Marchand n’est pas un adepte du casque, on sait que l’entraîneur niçois Fabrice Pellerin a parfois rythmé les séances de son team aux accords de la BO de Batman ou des Quatre saisons de Vivaldi.

La musique fait nager plus vite

Car la musique agit sur la concentration, la motivation, le temps de récupération du nageur, comme le souligne une étude citée l’an dernier par le site américain spécialisé Swim Swam. Elle permet même d’aller plus vite. Effectuée sur un échantillon de 24 nageurs de haut niveau, l’étude démontrait que l’option « avec écouteurs et playlist de son choix dans les oreilles » permettait d’obtenir des chronos en moyenne 0,32 s plus rapides lors du contre-la-montre de 50 m et 6,32 s plus rapides lors du contre-la-montre de 800 m que l’option sans.

Si l’eau apprécie donc la musique, la réciproque est vraie, ô combien. Par sa puissance évocatrice dépassant de très loin le rectangle de la piscine – l’enfance, les vacances à la mer, le bien être, l’effort, mais aussi le danger et la mort – la nage est sans doute, de toutes les pratiques sportives, celle qui inspire le plus les musiciens. Folk, pop, rock, rap et même dance, textes lumineux ou sombres, il y en a pour tous les goûts. D’où cette playlist parfaitement subjective, pas vraiment tournée vers la quête du chrono, forcément incomplète, mais dans laquelle tout amoureux de la nage appréciera, on l’espère, de se jeter, libre d’y ajouter sa petite goutte d’eau personnelle.

Franco Battiato, «  Summer on a solitary beach  » (1981)

Un peu de soleil et de nostalgie, c’est de saison, avec la voix toute en douceur (un comble dans la variété italienne souvent gueularde des années 80) de Franco Battiato. Le chanteur sicilien, mort en 2021, allie grâce et pop dans ce morceau extrait de La Voce del padrone, son album phare qui s’arracha à plus d’un million d’exemplaires.

DJ Cam, « Swim » (2011)

Cette composition aérienne du DJ français pionnier de la French touch, de son vrai nom Laurent Daumail, ici accompagnée de la voix de Chris James, le chanteur du groupe britannique Stateless, invite plus à la mélancolie qu’à l’enchaînement des séries de papillon. Plutôt indiqué après une bonne séance, donc, pour un relâchement assuré.

Bertrand Belin, « Peggy » (2013)

La voix profonde et les textes minimalistes du crooner français se glissent à merveille dans l’élément liquide. « Peggy » est une ode à la joie pure et simple de nager, sans penser à rien, mais lucide sur sa propre fragilité. « La dernière fois qu’on nage, une chose est sûre, me dit toujours Peggy. On ne le sait pas… Ça vaut mieux comme ça. » L’une des merveilles de l’album Parcs, pour celui qui a grandi à Quiberon.

Flynt & Don Choa, « La Piscine » (2023)

Le rappeur parisien Flynt et son complice marseillais de la Fonky Family touchent juste dans cette malicieuse comptine sur l’idéal de bien-être et de réussite que représente la piscine privée, passion hexagonale (la France est championne d’Europe de la catégorie avec 3,2 millions de piscines individuelles) loin d’être accessible à tous les orteils.

REM, « Nightswimming » (1992)

Avouons-le, grosse hésitation avant le repêchage de REM dans cette sélection. Les lourdeurs du groupe georgien ont mal vieilli. Mais ce n’est pas (trop) le cas de cette ballade resserrée sur la voix de Michael Stipe et le piano de Mike Mills. Le titre serait inspiré de la période où, au début des années 80, les membres du groupe faisaient beaucoup la fête dans leur ville d’Athens, finissant souvent nus dans l’eau.

Camille, « La piscine » (2017)

La chanteuse, qui a triomphé cette année aux Oscars avec la bande originale d’Emilia Perez, la comédie musicale de Jacques Audiard, file la métaphore de l’enfermement dans cette « Piscine » au bord rigide de laquelle « les hommes se cognent », tandis qu’elle-même rêve de rivage, de sable, de sel et d’ « aller à la mer ». Extrait de l’album Ouï.

Barry can’t swim, « Dance of the crab » (2023)

De son vrai nom Joshua Mainnie, le DJ écossais ne sait peut-être pas nager (son pseudo est une blague, dit-il) , mais il sait assurément faire remuer nos pieds et le reste avec son cocktail d’afrobeat, de jazz et de house. Idéal pour une pool party ou se donner du courage avant l’entraînement un jour de moins bien.

Kendrick Lamar, « Swimming pools » (2012)

C’est plus l’alcool (mais vraiment beaucoup d’alcool) que l’eau chlorée qui coule à flot dans cette piscine. Peu importe, on s’y plonge volontiers, embarqué par le flow du rappeur star, qui a enflammé la mi-temps du Super Bowl, en février dernier, et le clip sensuel qui accompagne le titre.

Loudon Wainwright III, « Swimming lesson  » (1973)

Dans ce titre extrait de l’album Attempted Mustache, le chanteur folk américain évoque un été de liberté où il s’est essayé à à peu près tout ce qu’il est possible de faire en moulinant des bras : le dos, la brasse, le papillon, et même le crawl australien. Il nage en maillot de bain, mais pas toujours. Dans l’océan ou en piscine, mais pas seulement. Et quand il ne nage pas, il saute ou plonge. Un fou de l’eau, à l’évidence, qui donne envie de le suivre.

Arcade Fire, « Black wave/Bad vibrations  » (2007)

« Je nage, mais les sons me suivent », commence en français la voix enfantine de Régine Chassagne, vite rattrapée par celle de Win Butler et la menace d’« une grande vague sombre au milieu de la mer ». Un titre inquiétant et imprévisible, pas vraiment taillé pour le barbotage estival. Mais l’un des meilleurs de Neon Bible, deuxième album du groupe canadien.