Depuis mardi soir, il est devenu malgré lui le nouveau chouchou des fans de foot français présents sur X-Anciennement-Twitter. Lui, c’est Sasha Allix, 34 ans, commentateur de rencontres sportives sur les chaînes Twitch et YouTube de RMC Sport. Son fait d’armes ? D’avoir réussi à nous donner envie de rester jusqu’au bout d’un Benfica-Nice pas foufou en termes de jeu et d’enjeux.

Pour mettre de la folie là où il n’y en avait pas et éviter que les spectateurs ne se barrent ou s’ouvrent les veines en direct, ce streameur s’est fait plaisir avec des commentaires freestyle – du genre de ce que l’on fait allègrement dans nos (scandaleux) lives maison – et qui sortent totalement de ce que l’on entend habituellement à la télé, ce vieil outil à la papa, où le ton n’a pas tant que ça changé ces trente dernières années.

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Entre références aux jeux vidéo, à son (faux) compte Only Fans ou au menu qui l’attendait à la maison après le match, la performance de Sasha n’est pas passée inaperçue sur les réseaux sociaux, où des best-of de ses meilleures punchlines ont fait le tour de la toile toute cette semaine. Alors, avant le grand retour de notre Farmers League adorée, on a voulu échanger un peu avec celui qui nous a donné du plaisir à se fader un match de Nice en qualif de C1, ce qui n’est pas un mince exploit, vous en conviendrez.

Avant d’évoquer ta masterclasse de mardi soir, peux-tu te présenter brièvement ?

Je m’appelle Sasha Allix, j’ai 34 ans et je suis créateur de contenu chez RMC Sport. Je travaille particulièrement sur les chaînes Twitch et YouTube de RMC Sport et RMC Sport Combat.

Tu n’as donc pas une formation classique de journaliste ?

C’est ça. J’ai fait des études commerciales et j’ai commencé à travailler dans ce milieu mais, pendant le Covid, quand tout s’est arrêté, j’ai mené une petite carrière de joueur e-sport qui m’a amené à commenter de l’e-sport, notamment de basket (NBA 2K), ce qui m’a mené ensuite à commenter du vrai basket avec les équipes de la First Team et de Trashtalk. Toutes ces expériences m’ont permis de travailler ensuite avec la FIBA avant d’intégrer l’équipe de RMC Sport. J’ai l’anti-parcours journalistique on va dire, c’est une fierté d’être là, même si parfois on se sent un peu comme un imposteur. Mais j’essaye d’apporter ma culture réseaux sociaux et jeux vidéo.

C’est une habitude pour toi de faire des commentaires aussi originaux, ou c’était une idée que vous avez eue pour ce match, en mode « pourquoi on n’essaierait pas de faire différemment ? » ?

C’est un peu les deux. Sur ce type de plateformes, on est en interactions directes avec le public puisqu’on a un chat ouvert en permanence avec les viewers, qui permet d’échanger avec eux pendant le match. De base, ces plateformes-là sont plus proches d’un ton qu’on peut retrouver en radio, un truc populaire, proche des gens, et c’est ça qui donne ce ton « entre potes ». Après, sur le best-of qui est sorti, on a isolé tous les moments où je pars un peu en vrille avec des punchlines un peu rigolotes mais il n’y a peu que ça, il y a eu aussi des moments très foot et plus sérieux.

Donc ce n’était pas un truc forcément préparé ?

Non, on n’était pas parti sur ce délire-là, c’est la physionomie du match qui nous a offert ça. On savait avant le coup d’envoi qu’il y avait très peu de chance pour que Nice renverse la table après la défaite à domicile au match aller et, même si on aurait adoré commenter un exploit des Aiglons, on a vite compris en regardant le match que ça allait être très difficile. A ce moment-là, le but c’était que les spectateurs restent avec nous, qu’on s’amuse et qu’on passe malgré tout un bon moment ensemble. Il y avait beaucoup de supporters niçois avec nous et je crois qu’ils ont apprécié parce que, pour le coup, ce n’était pas la performance de leur équipe qui allait leur donner du baume au cœur ce soir-là malheureusement.

Visiblement, ça a beaucoup plu au public.

Oui, il y a une notion de partage, on sait qu’on est tous branchés sur le même match, on voit les mêmes choses. Le rôle est un peu différent des consommateurs classiques qui n’ont pas ce lien direct avec le public. C’est là-dessus que j’ai voulu appuyer. Mais ce n’était pas un truc convenu au départ, c’est venu comme ça, grâce à la liberté de ton qu’on nous accorde chez RMC Sport sur Twitch et YouTube. D’habitude je commente plus le MMA, et dans ce sport j’essaie d’apporter beaucoup d’énergie, beaucoup d’interactions.

Mettre de la folie quand il n’y en a pas sur le terrain, on pourrait résumer le truc ainsi ?

C’est ça. Quand le match est un peu plat, qu’il ne se passe pas grand-chose, si on ne fait que répéter le nom des joueurs qui touchent le ballon et qu’on donne aux spectateurs trois milliards d’informations pas toujours utiles, ce n’est pas forcément ce qui va capter son attention et lui donner envie de rester avec nous. Ce sont les enjeux du digital : comment avoir et garder toute l’attention des gens et je pense que c’est pas mal de leur proposer une expérience différente. Et, franchement, si ça a été un succès, je suis content. Je tiens aussi à saluer Loïc, le journaliste qui était avec moi et qui, pour le coup, est journaliste de formation, et qui a donné beaucoup d’infos pertinentes. On a su trouver un bon équilibre entre l’info et le divertissement.

Quand tu commences à partir dans ton délire, comment ça se passe en cabine avec ton binôme ? Il te regarde bizarrement ou alors il adhère direct ?

C’est là que je dis que Loïc a été important là-dedans, c’est qu’effectivement ça peut ne pas « matcher » avec tout le monde. Des commentateurs qui ont vingt ans de métier, qui sont hyper rigoureux, qui ont leurs manières de faire, leurs habitudes de travail, ils auraient pu être perturbés et me dire « mais vas-y arrête, qu’est-ce que t’es en train de faire ? ». Mais là ce n’était pas le cas, on n’a même pas eu à se regarder, il m’a suivi dans le délire directement et je l’en remercie car c’est ce qui m’a permis d’être en confiance. Car tout ça est très lié à la confiance. Quand tu te sens bien, tu te lâches plus facilement.

La référence à Only Fans, tu t’ai dit que tu allais trop loin ou pas ?

Franchement, non. On est régi un peu différemment par l’ARCOM par rapport aux chaînes de télé classiques et je trouve que ce sont des trucs qui parlent aux gens, qui sont rigolos. J’ai un peu de mal à titre personnel avec le côté entre-soi où on se parle en mode grands professionnels : « Houla, souvenez-vous de lui, il y a deux ans il a fait les beaux jours d’Alavès ». Bon, personne le sait et tout le monde s’en fout, on ne va pas se mentir ! Autant parler de choses que tout le monde connaît, on est tous ensemble, on se marre. Donc j’ai fait des réf à FIFA, à des trucs de réseaux sociaux. Bon, j’avoue que Only Fans, c’était un peu poussé, mais on était sur un instant promo et c’est venu tout seul (rires).

T’as pas toujours été tendres avec nos amis niçois !

Dans les séquences qui ont tourné sur Twitter, on pourrait penser que je suis un peu dur avec eux, mais en vrai on n’a fait que les pousser tout le match, on a dit plein de choses positives sur cette équipe et ses joueurs. Et puis je pense que c’est aussi ça le foot, en tout cas c’est comme ça que je le perçois, c’est qu’on a un devoir d’honnêteté avec les gens qui nous suivent. Si le match est nul et qu’il ne se passe rien, ben il faut le dire. On ne va pas commencer à dire « oh regardez le bloc bas, comment il est bien en place », c’est bon… Et puis je trouve que ça nous rapproche des gens qui suivent le match avec nous. Les gens se disent « ah il est comme moi, il aime le foot mais il n’y a pas que ça dans sa vie ».

C’est une vision qui m’a été inculquée par l’ancien directeur des rédactions de RMC Sport, Laurent Salvaudon [le papa de la mythique émission J + 1 sur Canal+], qui a rejoint Ligue 1 + cette saison. Il m’a toujours dit « c’est marrant, dans le sport à la télé, on fait les mêmes trucs depuis vingt ans et personne n’a jamais essayé de faire différemment ». Et dans les commentaires sportifs, c’est un peu ça, il y a beaucoup de copier-coller, c’est difficile d’apporter sa patte car tu veux tellement rentrer dans le moule que tu finis par t’oublier. Moi j’ai conscience de ne pas être le plus grand technicien ou analyste du jeu, il y a plein de gens qui sont meilleurs que moi, même parmi les gens qui commentent dans le chat, je ne vais pas m’inventer un rôle. Donc je fais différemment.