Par
Rédaction Paris
Publié le
15 août 2025 à 9h04
La canicule qui s’est abattue sur le pays est d’autant plus pénible dans les villes comme Paris, où plus de la moitié des résidences principales (567 000) présentent un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé E, F ou G (Insee, 2018). Si la chaleur échauffe les esprits, des architectes gardent la tête froide.
En quête de solutions face au réchauffement climatique, ils regardent vers le passé pour rendre l’habitat plus confortable en cas de forte chaleur. Et ils y trouvent « beaucoup d’exemples très intéressants », estime Cristiana Mazzoni, architecte et urbaniste à Paris.
Des Routes de la soie aux mas provençaux
Professeure à l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-Belleville (19e), elle a étudié l’architecture le long des anciennes Routes de la soie, qui traversent le continent asiatique de la Chine jusqu’au bassin méditerranéen, et particulièrement les « maisons à cour, patio ou loggia ».
Dans une cour intérieure, « c’est l’ombre et la végétation qui apportent de la fraîcheur et, comme elle est construite dans l’épaisseur du bâtiment », les rayons du soleil ne chauffent pas directement les murs. « Souvent, il y a une fontaine ou un puits qui ramène l’eau des profondeurs, ce qui amène encore plus de fraîcheur », détaille Cristiana Mazzoni.
Ces cours intérieures sont caractéristiques des riads marocains, des maisons romaines (domus), des palais vénitiens, ou encore des demeures ottomanes à hall central couvert.
« En continuant sur les Routes de la soie, on trouve des tours à vent », les ancêtres écologiques de la climatisation, nombreuses en Iran, qui rafraîchissent les logements avec un système de ventilation naturelle. Ainsi que des « maisons en terre », matériau très isolant, qui inspirent aujourd’hui de nombreux architectes, ajoute l’architecte.
Autre exemple très répandu, la maison traditionnelle provençale – du sud de la France – est conçue de façon à se protéger du vent et du soleil avec notamment l’installation d’une treille côté sud.
« Renouveler la pensée »
« On entre dans une époque où l’on risque de donner beaucoup d’importance à l’hyper technologie », au risque de « s’éloigner de l’humain », souligne Cristiana Mazzoni, qui doit organiser en septembre 2025 un colloque pour rassembler les architectes autour de tous ces exemples d’architecture vernaculaire.
« On construisait avec les matériaux à disposition et en fonction des climats et des façons de vivre », rappelle Jacques Boulnois, architecte au cabinet BHPR, et enseignant à l’université d’Orléans, dans le centre de la France. Revenir aux savoir-faire ancestraux constitue « un renouvellement de pensée », avec la prise en compte qu’« on ne peut plus tout faire » face au climat et qu’il « faut trouver une nouvelle architecture contemporaine », considère-t-il.
« Sans fioul ni électricité, ce n’était pas facile pour nos ancêtres, mais ils mettaient de l’intelligence », appuie Jacques Boulnois.
Des exemples de réutilisation moderne existent, comme rue de Meaux, dans le 19e arrondissement de Paris, où le célèbre architecte italien Renzo Piano a conçu en 1991 une vaste cour intérieure au milieu des 220 logements sociaux commandés par la Régie immobilière de la Ville de Paris et qu’il a également dessinés.
« La construction forme un grand quadrilatère, décrit l’association Paris Promeneurs. Elle est conçue comme un corps d’usine dont le périmètre s’intègre au tissu urbain. Le centre donne sur un vaste espace vert planté de bouleaux formant un paysage intérieur. Les côtés courts du rectangle sont interrompus chacun par deux percées verticales, qui divisent la façade en 3 blocs allongés de tailles proportionnées aux bâtiments environnants. »
Le bâtiment adopte la solution de la « double peau » de revêtement, apprend-on. Les façades donnant sur le jardin sont constituées de grilles saillantes de 90 x 90 centimètres préfabriquées en béton renforcé de fibre de verre. Ces éléments sont détachés des murs, de façon à assurer la ventilation de la paroi. La grille est remplie par des éléments opaques et isolants recouverts de carreaux en terre cuite, évocation des HBM en brique d’autrefois. Pour cet ensemble, Renzo Piano a reçu le prix de l’Équerre d’argent en 1991.
« Vous remarquerez la petite différence de 2 degrés entre la rue et la cour » plantée de bouleaux et de chèvrefeuilles, note Colette, une habitante de longue date de la résidence.
Exposée sud, elle ne ressent pas directement les bienfaits de la fraîcheur de la cour sur son logement, tout comme Ilan, 35 ans, qui souligne néanmoins qu’il ne fait « jamais des chaleurs étouffantes comme là où [il] habitait avant, un bâtiment du XIXe siècle ».
Toujours à Paris, dans le quartier de la Chapelle, l’architecte française Françoise-Hélène Jourda a réhabilité la halle Pajol en 2014, datant du début du XXe siècle. Elle y a intégré un système de récupération d’eau de pluie, des panneaux solaires et un puits canadien (aussi appelé puits provençal), qui utilise la température du sol pour ventiler une maison avec de l’air plus chaud ou plus frais selon les saisons. « Le bois utilisé (façade, structure et plancher) provient d’exploitations durablement gérées. Le granulat de chanvre utilisé pour l’isolation est totalement renouvelable. Les revêtements de sols sont en linoléum produit entièrement naturel », ajoute Paris Promeneurs.
« Pas de solution miracle » cependant, prévient Jacques Boulnois, pour qui il va falloir réfléchir à « rendre contemporains » ces savoirs, pas forcément adaptés à toutes les régions. Dans le cas des tours à vent iraniennes, par exemple, « la ventilation naturelle » par les courants d’air est « extrêmement compliquée » à comprendre et à exploiter selon les endroits.
avec AFP
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