Pendant que la France et le Royaume-Uni s’activent pour former une coalition de pays volontaires afin de fournir des garanties de sécurité à Kiev, les négociations en vue d’obtenir un cessez-le-feu [à défaut d’un accord de paix] entre l’Ukraine et la Russie patinent. Et le fragile moratoire sur les attaques contre les infrastructures critiques pourrait bien prendre fin prochainement.
En attendant, les attaques – réciproques – de drones se poursuivent… Et ce sont les civils qui en paient le prix, comme à Soumy [au moins 34 tués] ou comme encore aujoud’hui à Dnipro [3 morts et 30 blessés]. Par ailleurs, sur la ligne de front, l’armée ukrainienne a revendiqué une contre-attaque réussie dans le secteur stratégique de Prokrovk, dans le Donbass.
Quoi qu’il en soit, la Russie est acccusée de ne pas vouloir la paix. En tout cas, c’est ce qu’a afffirmé le futur chancelier allemand, Friedrich Merz, pour justifier la cession éventuelle de missiles de croisière KEPD-350 Taurus à l’Ukraine, le 14 avril.
« J’ai toujours dit que je ne le ferais qu’en accord avec les partenaires européens. […] Cela doit être coordonné et si c’est coordonné, alors l’Allemagne devrait y participer » car « l’armée ukrainienne doit sortir de sa position défensive. Elle ne fait que réagir », a ainsi affirmé M. Merz. « Notre volonté de discuter avec [Vladimir Poutine] est interprétée non pas comme une offre sérieuse de faire la paix, mais comme une faiblesse », a-t-il conclu.
Doté d’une charge Mephisto [Multi-Effect Penetrator, HIgh Sophisticated and Target Optimised] de 495 kg, le KEPD-350 Taurus a une portée de 500 km et peut voler à Mach 0,95.
Alors que la France et le Royaume-Uni ont livré à Kiev des missiles de croisière SCALP / Storm Shadow et que les États-Unis passèrent outre leurs réticences en en faisant autant avec ATACMS, Olaf Scholz, le chancelier allemand sortant, a constamment refusé d’en faire autant avec les KEPD-350 de la Bundeswehr, en évoquant le risque d’une « escalade » avec la Russie. Et cela, malgré la pression mise par ses alliés politiques [écologistes et libéraux] ainsi que par les chrétiens-démocrates, alors dans l’opposition.
La Russie aura mis quelques jours avant de réagir aux propos de M. Merz. Ce 17 avril, elle fait savoir qu’elle considérerait toute frappe sur des objectifs russes avec des Taurus comme une « participation directe » de l’Allemagne au conflit.
« Une frappe avec ces missiles contre des installations russes […] sera considéré comme une participation directe de l’Allemagne aux hostilités au côté du régime de Kiev, avec toutes les conséquences que cela implique », a prévenu Maria Zakharova, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères.
Pourtant, la Russie a reçu un soutien militaire substantiel de la part de la Corée du Nord. Soutien qui est allé bien au-delà de l’envoi de 11 000 à 14 000 soldats à Koursk puisque, selon une enquête menée par l’agence Reuters, en collaboration avec l’observatoire Open Source Center [OSC], Pyongyang aurait livré à Moscou près de 16 000 conteneurs de munitions [notamment des obus d’artillerie] entre septembre 2023 et mars 2025. À cela, il faut aussi ajouter la fourniture de « plusieurs centaines » de missiles balistiques à courte portée, d’après l’amiral Samuel Paparo, le commandat des forces américaines dans l’Indopacifique.
Cela étant, l’envoi potentiel de missiles Taurus en Ukraine a été critiqué par Armin Papperger, le PDG de Rheinmetall, le géant allemand de l’armement.
Dans entretien publié ce 17 avril par le quotidien Handelsblatt, M. Papperger a fait valoir que le Taurus « ne changerait pas la donne » en Ukraine. Et d’ajouter : « Ce qui change la donne, ce sont les munitions d’artillerie classiques. Ce n’est qu’avec elles que l’Ukraine pourra tenir les Russes à distance ». Et pour cause : son groupe est l’un des principaux producteurs européens d’obus de 155 mm.
Reste que le PDG de Rheinmetall n’a pas totalement tort. Lors d’une audition parlementaire, en juillet 2023, le Directeur du renseignement militaire français [DRM], le général Jacques Langlade de Montgros, avait souligné l’absence de « game changer ». En clair, aucune arme conventionnelle n’était susceptible « d’inverser le cours de la guerre du jour au lendemain ». Et cela alors que l’Ukraine allait recevoir des missiles SCALP / Storm Shadow. La suite des événements lui a donné raison.