C’est le grand bond pour le jeune Matéo Garcia. À 23 ans, l’ancien ouvreur de l’Union Bordeaux-Bègles a quitté sa Nouvelle-Aquitaine chérie afin de rejoindre la Méditerranée et le Rugby club toulonnais pour les trois prochaines saisons. Avec lui, il a emmené son sourire coquin, son tempérament basque et sa passion invétérée pour le jeu.
Car, ça ne s’invente pas, Garcia est né à Bayonne, là où les aficionados promeuvent un rugby fait d’audace et de vitesse. Il grandit néanmoins à 40km de là, à Hendaye, où il tombe très vite dans la marmite ovale. « J’ai essayé le rugby à 6 ans, se remémore l’intéressé. Mon père et mon oncle avaient joué dans le club du village. Moi, je jouais sur le béton avec mes potes, dans la cour de récréation. Je ne pensais qu’à devenir rugbyman professionnel. »
En bon gamin des Pyrénées-Atlantiques, le petit Matéo pratique également la pelote basque. En particulier le xare. Chez les jeunes, il en est même champion de France… et champion du Pays basque. Le titre suprême! « C’était les belles années, sourit Garcia. Avec un pote, on prenait la voiture du coach et on allait à Hasparren, au fin fond du Pays basque. On ne se posait pas la question de si on allait gagner ou pas, on était juste heureux de jouer. Mais j’ai dû arrêter vers 13 ans, car je ne pouvais plus cumuler le rugby et la pelote… » Sur le pré, cela commence en effet à devenir sérieux pour le gaucher « hyperactif ». Recruté par l’Aviron bayonnais, il défie les plus grands clubs du pays dans les catégories de jeunes. Déjà « incroyable », « pour un petit mec d’Hendaye ».
Les bienfaits du Sevens
Puis, à 18 ans, Garcia arrive à Bordeaux. Pour le chauvin qu’il est, « c’est déjà le Nord ». Junior « de la génération Covid », il obtient quelques sélections chez les Bleuets et passe des Crabos au groupe professionnel en un clin d’œil. « Ça m’a fait un gros choc par rapport à mon poste et à la compréhension du jeu. J’ai eu des premières saisons assez dures, parce que j’avais beaucoup à apprendre. »
Un apprentissage pleinement mis à contribution par le staff girondin en 2023-2024. Dans une équipe où l’on fait la part belle à un jeu rapide et ouvert, l’Hendayais devient, au gré des absences de Matthieu Jalibert, l’ouvreur le plus utilisé de l’effectif en termes de matchs joués (19, dont 15 comme titulaire). Sa signature au RCT, révélée très tôt la saison suivante, ainsi que l’arrivée de l’Irlandais Joey Carbery, réduisent néanmoins considérablement son temps d’apparition en 2024-2025.
Mais le Basque n’en perd pas pour autant l’amour du jeu. Bien au contraire: « Paradoxalement, je l’ai assez bien vécu. J’ai beaucoup matché en début de saison et, après, il y a eu cette expérience à VII qui m’a permis de regoûter à ce qui est pour moi l’essence même du rugby. A VII, tu es presque tout le temps dans l’amusement. Ça m’a fait du bien, autant physiquement que mentalement. Ça m’a aussi apporté un peu plus de joie sur le terrain, où je pouvais aller chercher les espaces à l’aide de mes cannes, là où j’avais un peu perdu confiance. Quand tu es ouvreur et que tu rentres dans la routine du XV, tu ne travailles plus forcément cet esprit d’attaquant. »
« Je joue d’abord pour m’amuser »
Au pied du Faron, le peuple de Besagne s’apprête donc à rencontrer un joueur affamé.
Dans le vestiaire, l’homme « pense pouvoir amener [sa] bonne humeur ». Sur le terrain, l’ouvreur de 1,74m sait pouvoir faire preuve, sans en oublier le cadre, « de folie et de vitesse ». Car, au fond, « c’est ce [qu’il] aime »: « À la pelote basque, à VII, ou à XV, je joue d’abord pour m’amuser. »
Bien sûr, en bord de rade, il jouera aussi pour gagner. Son coéquipier basque, le capitaine Charles Ollivon, ne manquera pas de le lui rappeler. Les supporters toulonnais non plus. « Et c’est bien! Après avoir connu l’UBB et en venant du Pays basque, ma première volonté était de trouver un club avec une forte identité. Je crois qu’il y a aujourd’hui cette ferveur-là à Toulon. »
Comme quoi. Même loin de ses spots de pelote et de randonnées favoris, le jeune international U20 ne sera pas totalement dépaysé.
1. Il a disputé quatre étapes du circuit mondial à VII avec les Bleus.
Toulon, « meilleure option »
En pleine phase d’acclimatation au RCT, « la meilleure option » pour sa carrière selon lui, Matéo Garcia a faim de terrain. Barré par Matthieu Jalibert à l’UBB, il vient concurrencer Paolo Garbisi et Enzo Hervé dans le club qui avait accueilli son modèle de jeunesse, Jonny Wilkinson: « Quelque part, des grands 10 comme lui vous donnent envie de marcher dans leurs traces. […] Pour moi, il était temps de changer d’horizon. Ici, mon premier objectif est de m’intégrer au groupe, de maîtriser le projet de jeu et d’avoir la confiance de mes coéquipiers. Ensuite, Pierre (Mignoni) décidera en fonction des matchs et des adversaires. »
Arrière si besoin…
S’il est avant tout un ouvreur et que le poste d’arrière est déjà bien fourni au RCT (Jaminet, Domon, Ferté), Garcia a aussi la capacité de « dépanner » à ce poste, comme il a pu le faire à plusieurs reprises avec l’UBB. Une polyvalence qui a le mérite d’offrir une option de plus au staff.
S’il a assez peu joué avec Bordeaux-Bègles la saison passée (10 matchs de Top 14, un de Champions Cup), Matéo Garcia a tout de même su se montrer décisif au cours de l’excellente saison des Unionistes. Par trois fois, il a scellé la victoire des siens dans les derniers instants de la partie.
D’abord lors de la retentissante victoire de son équipe à Toulouse le 29 septembre 2024 (16-12), en faisant le break à cinq minutes du terme grâce à un joli coup de pompe de 55mètres. Puis, la semaine suivante, en récidivant avec la pénalité de la victoire contre Bayonne, en position excentrée, à environ 45mètres des perches (30-27). Enfin, le 19 avril, de nouveau à plus de 50mètres, l’ouvreur inscrivait trois points sur le gong pour sécuriser une importantissime victoire à Pau (26-22), alors qu’il n’avait plus disputé un match de Top 14 depuis fin décembre.
« Des moments auxquels on pense le soir avant de s’endormir »
« Je suis un joueur qui aime ce genre de pression. Mentalement, depuis tout petit, je suis quelqu’un d’assez teigneux, qui ne lâche pas. Du coup, c’était plutôt agréable l’année dernière!, sourit l’ouvreur. Tout le monde te saute dessus… C’est assez gratifiant. Ce sont des moments auxquels on pense le soir avant de s’endormir. » Avec l’ancien Girondin, le RCT s’est donc peut-être offert, en plus de Melvyn Jaminet, un autre buteur longue distance au mental d’acier pour la saison à venir. « Bon, j’espère qu’on va mettre 40 points à tout le monde, au moins il n’y aura pas besoin de ça, reprend l’intéressé amusé. Mais, s’il faut le faire, ce sera aussi le top. Et j’espère qu’il y aura le même rendu! »