• Sous la ville de Lyon, une centrale produit du froid pour une centaine de bâtiments, dont des centres commerciaux et l’hôpital.
  • Ce système fonctionne grâce à l’eau pompée dans les parkings souterrains de la ville, pour éviter leur inondation.
  • Des réseaux de froid commencent à se développer en France, mais ils concernent encore peu les particuliers.

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Notre planète

Et s’il était possible de refroidir les villes grâce à… l’eau ? C’est le pari relevé par plusieurs entreprises et organismes en France : à Paris, Engie utilise l’eau de la Seine pour climatiser une partie de la ville, à Lyon, Dalkia utilise l’eau d’une nappe phréatique profonde pour rafraîchir immeubles de bureaux et centres commerciaux.

L’intérêt ? Réduire la consommation énergétique par rapport aux climatiseurs classiques (et donc la facture) mais aussi supprimer la formation d’îlots de chaleur (les climatiseurs recrachent de la chaleur dans la rue) et se débarrasser des gaz à effet de serre émis par les fluides frigorigènes utilisés dans ces appareils. 

Une piscine olympique pompée toutes les heuresDRDR

À Lyon, la centrale Mouton-Duvernet, inaugurée en 2020 et située à 13 mètres de profondeur sous le quartier de la Part-Dieu, utilise de l’eau issue de la nappe phréatique profonde. « Tous les ans, cette eau s’infiltre dans certains bâtiments de Lyon, notamment dans les parkings qui ont été construits très profonds », explique à TF1 Gérald Campbell, le directeur général d’ELM, une filiale du groupe Dalkia. « On est obligé de pomper pour éviter les inondations. Avant la centrale, cette eau ne servait à rien. Maintenant, on l’utilise pour alimenter notre centrale de froid », détaille-t-il avant de préciser que « l’équivalent d’un peu moins d’une piscine olympique est pompée toutes les heures ».

Un réseau de 14 km de long

Ces eaux issues du pompage des eaux d’infiltration des milieux souterrains est appelé « eaux d’exhaures ». « On les récupère à 15 degrés, l’énergie fatale [ou énergie de récupération, NDLR] nous permet de produire du froid, à 5 degrés, puis on réinjecte cette eau pompée dans la nappe de surface à 20 degrés », explique Gérald Campbell. Concrètement, l’eau pompée va venir refroidir les moteurs de la centrale qui produisent de l’eau glacée. C’est cette dernière qui va circuler dans le réseau de froid, et non l’eau pompée qui, elle, va être réinjectée dans la nappe.

Cela a un double intérêt : alimenter la centrale de froid – 14 km de réseau qui vont climatiser une centaine de bâtiments dans Lyon – et refroidir la nappe phréatique de surface, qui en été peut atteindre jusqu’à 25 ou 26 degrés. 

Notre système n’engendre aucune émission de chaleur dans l’atmosphère

Gérard Campbell, directeur général d’ELM, filiale de Dalkia

Parmi la centaine de bâtiments ainsi refroidis, se trouvent une majorité d’immeubles de bureaux, mais aussi des centres commerciaux et l’hôpital. « Notre système n’engendre aucune émission de chaleur dans l’atmosphère, rappelle le directeur général d’ELM, contrairement à la climatisation classique qui rejette de l’air chaud. » L’énergie ainsi produite est l’équivalent de 10.000 petits climatiseurs et l’objectif est de multiplier par trois l’énergie distribuée d’ici à 2030.

Et pour éviter de ralentir les machines, la nuit, quand la demande de froid est plus faible, l’énergie est stockée sous forme de glace dans quatre piscines. Celle-ci est fondue en journée pour doubler la capacité de production de froid de la centrale et répondre à la demande aux heures les plus chaudes. 

Des réseaux de froid plutôt que la clim’

Ce système basé sur les eaux d’exhaures est unique en France. La quarantaine de réseaux de froid qui existent dans l’Hexagone utilisent d’autres ressources : à Paris, c’est l’eau de la Seine qui climatise plus de 800 bâtiments de la capitale, à Marseille, c’est la mer, ailleurs encore, directement dans la nappe phréatique. 

À l’échelle de la France, ces réseaux de froid se développent toutefois moins vite que les réseaux de chaleur. Pourtant, les épisodes caniculaires de l’été et la difficulté des villes à s’adapter à ces vagues de chaleur soulignent l’urgence de rafraîchir les villes. 

Les chercheurs alertent sur un risque de mal-adaptation, avec un développement de petits climatiseurs très énergivores et très émetteurs de gaz à effet de serre. Les études montrent que dans les zones fortement équipées en climatisation, la chaleur des centres urbains peut augmenter de 0,5 degré, avec des projections de +2 à 3 degrés si le taux d’équipement continue de progresser.

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Mais développer ces réseaux de froid pour les bâtiments de logements privés représente un défi technologique. « En général, ces bâtiments ont été conçus pour distribuer de la chaleur, mais pas du froid, explique Gérald Campbell. Si on veut alimenter en froid un habitat existant, il faudrait donc recréer tout un circuit de distribution du froid. »

Le directeur d’ELM recommande plutôt d’intégrer le sujet de la climatisation « dès la conception des nouveaux bâtiments ». En la matière, il regrette le manque « d’incitation » à le faire dans la législation française actuelle : « Il n’y a aucune obligation sur les réseaux de froid. »

Marianne ENAULT