Publié15. août 2025, 18:01

Taxes douanières: Roger Nordmann dénonce la culture américaine du «pillage»

L’ex-conseiller national socialiste déconstruit le mythe d’une Suisse qui serait une république «sœur» des États-Unis.

Eric FelleyRoger Nordmann, ex-conseiller national, n'a rien perdu de sa capacité d'analyse critique.

Roger Nordmann, ex-conseiller national, n’a rien perdu de sa capacité d’analyse critique.

vanessa cardoso/Tamedia

Droits de douane à 39% et prix des F-35 qui grimpent, l’actualité de cette première quinzaine d’août est marquée par un sentiment d’impuissance face aux décisions américaines qui pénalisent la Suisse. Jeudi, l’émission Forum sur la RTS est revenue sur cette problématique en invitant notamment l’ex-conseiller national vaudois Roger Nordmann (PS).

Faire des affaires

Pour lui, la situation actuelle révèle certains «mythes sous-jacents», qui nous empêchent de voir les choses comme elles sont. L’un d’entre eux est de penser que «nous sommes comme les Américains, nous sommes les chouchous de l’Amérique. Ce sont les Américains qui nous aiment, pas les Européens… C’est une espèce de fantasme qu’on voit aussi dans les banques et qui est complètement faux». Et d’illustrer: «C’est un peu le problème des banquiers zurichois de vouloir toujours aller faire des affaires aux États-Unis pour être des grands. À la fin, ça finit toujours mal».

Selon lui, il faut remettre en question ce préjugé que les États-Unis et la Suisse seraient des «républiques soeurs»:  «En réalité, l’Amérique s’est construite sur une logique du pillage. C’est une logique de la loi du plus fort qui fait cette culture américaine, où on laisse les plus faibles de côté».

«La Suisse est aux antipodes de cela, affirme-t-il. La Suisse est un pays de coopération, entre nous déjà, à l’interne très fortement. On est un pays qui est fait de solidarité, si on pense, par exemple, à l’AVS qui est le système de retraite le plus solidaire au monde… Avec cette tentative de faire comme les Américains, comme si on était comme eux, on nie qu’en réalité, nous sommes complètement différents. Notre culture est évidemment beaucoup plus proche de celle des Européens».

«Donald Trump est fou»

À la question de savoir s’il a été surpris par l’attitude résignée du Conseil fédéral face à ses échecs récents devant l’Administration américaine, Roger Nordmann répond:  «Il faut être clair: Donald Trump est fou… Il agit de façon irrationnelle. D’ailleurs, c’est très nuisible pour l’économie américaine qui commence à avoir des signes de récession. Par rapport à cette folie et cet aspect narcissique qu’il a de vouloir annoncer des deals, le Conseil fédéral manque d’instruments, n’a pas tellement de possibilités d’agir. Là-dessus, on ne peut pas vraiment lui faire de reproches».

Contre les oligarques suisses

Mais des reproches, il en a quand même. Roger Nordmann est également très critique envers «cette équipe d’oligarques qui ont accompagné les conseillers fédéraux et qui ont imposé cette stratégie d’aller se vautrer à Washington».

Il évoque en particulier le milliardaire Alfred Gantner, à l’origine de l’initiative la Boussole, qui cherche à saboter les accords bilatéraux de la Suisse avec l’Union européenne:  «M. Ganter de Partner Group, cette boîte d’investissements basée à Zoug, va dicter au Conseil fédéral sa politique. Le résultat est un échec total parce qu’au fond, ils n’ont pas l’intérêt général du pays, mais leurs propres intérêts devant les yeux… Cela fait partie de ces mythes, de ces mensonges dont il faut se libérer, et voir qu’on a besoin d’autrui, de nos voisins et en particulier en Europe».