Par

Emilie Salabelle

Publié le

16 août 2025 à 6h22

Ce sont d’abord de petites flammes violettes qui nervurent l’écorce en transparence. Puis des feuilles anormalement jaunies. Enfin, une déliquescence éclair. Une fois atteint du chancre coloré, cette maladie causée par le champignon Ceratocystis platani, un platane ne survit pas cinq ans, et succombe parfois en quelques mois. Une mise à mort extrêmement rapide, sans possibilité de traitement. Arrivé dès États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, ce pathogène a fait des ravages dans le sud de la France, mais pas seulement. Son arrivée en Île-de-France, détectée pour la première fois en 2019, est très probablement d’origine humaine. Alors, faut-il craindre de voir les allées, places et boulevards franciliens décimés, à l’image du canal du midi qui a perdu 70 % de cette majestueuse frondaison ? Comment s’en prémunir ? On fait le point avec Maëlle Leroux, qui coordonne pour la région le dispositif ProtectPlatane, destiné à prévenir les risques d’infection.

Une arrivée en « saut de puce » en Île-de-France

Pour combattre ce redoutable champignon, il est utile de comprendre comment il se transmet – et la responsabilité humaine dans sa propagation. Les premiers symptômes de la maladie peuvent mettre plusieurs mois à apparaître, c’est pourquoi il est très difficile de confirmer avec certitude une source précise de contamination. Le champignon n’a d’ailleurs été formellement identifié en France que dans les années 1960, soit une vingtaine d’années après son arrivée sur le territoire. « Ça a laissé le temps à la maladie de bien se propager », note Maëlle Leroux.

L’implantation du chancre coloré s’est d’abord diffusée « de proche en proche » dans le sud de la France, note la chargée de mission. Il y a eu un gros foyer de contamination dans le Sud-Est, puis la maladie a remonté la vallée du Rhône, et s’est décalée vers l’ouest ». Les spores du champignon ont alors voyagé par l’eau, l’air, ou même les systèmes racinaires qui communiquent d’un arbre à l’autre.

En région parisienne, c’est une autre histoire. « On constate que le champignon a fait des sauts de puces. C’est également le cas autour de Chartres et Nantes. A priori, les foyers de contaminations se sont installés par le biais d’engins de travaux arrivés de zones déjà touchées dans le Sud ».

Un arbre très vulnérable face aux attaques du champignon

Or, le champignon n’a pas besoin de grand-chose pour coloniser un nouvel hôte. « Il suffit d’une petite blessure sur l’écorce. Elle peut être causée par un ragondin qui grignote un bout de racine, une voiture ou un engin qui a tapé contre le tronc, une blessure d’élagage… Ou même un cœur gravé sur un tronc ! », détaille Maëlle Leroux. Le moindre interstice peut servir de porte d’entrée au champignon. Une fois rentré, le pathogène asphyxie l’arbre en bloquant ses vaisseaux conducteurs de sève.

En Île-de-France, c’est la ville d’Antony, dans le sud des Hauts-de-Seine, qui subit la première attaque en 2019. Les villes de Créteil, Villejuif et Pantin suivent. À chaque détection, confirmée par un diagnostic en laboratoire, la réponse est radicale : « On applique une stratégie d’éradication. Tous les platanes présents dans un rayon de 35 à 50 m autour du ou des arbres touchés sont abattus, car on considère qu’ils sont à risque d’être déjà contaminés ». Au total, 200 arbres ont dû être supprimés sur les 200 000 platanes. Chaque opération d’abattage est très lourde à porter pour les communes, aussi bien sur le plan financier que sur la mise en œuvre complexe du chantier… sans compter, évidemment, la perte d’un patrimoine paysager et un déficit d’image publique.

Mais alors, comment agir avant d’en arriver là ? « Ça va passer par la prévention pour éviter au maximum les contaminations d’origine humaines ». Dans le secteur des travaux publics, les interventions à risque ne manquent pas : terrassement, voirie, pose de réseaux, tonte ou élagage… « À chaque fois, il faudrait que les professionnels nettoient tous les outils et engins qui travaillent aux abords des platanes. Le cas idéal, c’est de désinfecter toutes les lames entre chaque platane », expose la coordinatrice du projet. C’est justement sur ce levier que le programme ProtectPlatane intervient. Il vise à former les entreprises professionnelles aux bons gestes et à la détection des symptômes. Une quinzaine ont déjà été formées ou sont en cours de formation.

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