Dans « Je voulais vivre », l’auteure prend la défense de Milady de Winter, personnage des « Trois mousquetaires » de Dumas.

On la découvre démunie, en 1609, au début du mois de mars. Nous sommes dans le village de Bussy, en France. L’enfant de 6 ans tape à la porte du presbytère du père Lamandre. Elle a soif, faim, froid. L’homme d’Église recueille la petite fille. Sa beauté est une lumière. L’orpheline se prénomme Anne. Sa mère et sa nourrice ont été assassinées par les cousins de son père. Elle est au début d’une vie de vengeance, d’amour, de grandeur, d’infamie. Anne de Breuil aura de multiples identités et sera finalement célèbre sous le nom de Milady de Winter.

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Dans « Je voulais vivre », la romancière Adélaïde de Clermont-Tonnerre fait entendre, à travers « Les trois mousquetaires » d’Alexandre Dumas, la voix de l’espionne du cardinal de Richelieu. L’auteure des « Jours heureux » (2021) prend sa défense et donne un visage humain à la principale ennemie des mousquetaires. Elle apprend l’équitation, l’anglais, les secrets des plantes, l’escrime.

La nature et les animaux sont son refuge. Le malheur revient. L’adolescente se retrouve livrée à un prêtre défroqué. À partir de là, les versions ne cesseront de diverger sur une femme aux mille visages.

Métamorphoses

Est-elle une meurtrière capable de tout pour asseoir sa vengeance ou une femme libre se battant avec ses propres armes ? Anne de Breuil va se marier avec le comte Olivier de La Fère (connu sous le nom d’Athos) puis, enceinte, avec James de Winter (titré lord Clarick). Elle devient puissante à la cour de France et à celle d’Angleterre. Le charmant James de Winter est un homosexuel notoire. Il aime son épouse et va adopter son garçon. Milady de Winter va être guidée par une lumière et une ombre : l’amour de son fils, le besoin de revanche.

Ils sont témoins de ses métamorphoses. Ils prennent la parole, à tour de rôle, pour dresser un portrait complexe et contradictoire de Milady de Winter. L’amie d’enfance Soline, l’ennemi juré d’Artagnan, la protectrice Hélène de La Fère font d’elle une femme lancée dans une impossible quête de rédemption. Milady de Winter tente de faire oublier son passé de honte et de douleur, pour ourler un avenir de bonheur et de gloire. Mais on la ramène, sans cesse, à ce qu’elle n’est pas : une créature perverse et misérable. Adélaïde de Clermont-Tonnerre se révèle une conteuse hors pair, caracolant à travers les étapes de la vie de son héroïne déchue : marquage au fer rouge de l’épaule, tentative d’assassinat par le comte de La Fère, arrivée à Londres sous le nom de Charlotte Backson, bonheur fugace auprès de James de Winter, rencontre avec le cardinal de Richelieu dont elle devient l’espionne.

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Réécriture féministe

Les personnages secondaires sont tous bien campés. Dans « Je voulais vivre », il y a deux aspects : la réécriture féministe du personnage de Milady de Winter (le moins intéressant car le plus opportuniste) et l’appropriation d’un chef-d’œuvre (le plus captivant car le plus atemporel). Adélaïde de Clermont-Tonnerre met à jour et met au jour l’emprise d’un prêtre défroqué sur une adolescente blessée ou la cruauté du jugement de plusieurs hommes contre une jeune femme seule.

Mais la force de « Je voulais vivre » est bien ailleurs : on s’attache à Milady de Winter à travers Alexandre Dumas puis en dehors d’Alexandre Dumas. Née dans la violence, elle retourne à la violence. Son amour va, jusqu’à la fin, à son enfant et à la France. La romancière recrée de toutes pièces une femme à la poursuite de son indépendance. Milady de Winter devient de toutes les époques et de tous les combats. Elle n’est plus d’hier et elle n’est pas encore d’aujourd’hui. N’est-ce pas la définition même de la liberté ?