« Ouf, c’est ouvert ! », souffle Emmanuelle, 46 ans, face à la porte ouverte de la pharmacie. Ce samedi matin, cette habitante des monts d’Arrée, traitée pour sa tension, a craint de faire davantage de route pour trouver les médicaments qu’elle et son conjoint, diabétique, exigent au quotidien. Une chance pour elle, l’officine de Pleyber-Christ (29), bien que solidaire du mouvement de grève appelé par l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (Uspo), a choisi de « ne pas pénaliser ses clients, un lendemain de 15 août férié ».

Dans la file d’attente devant elle, Irène connaît les raisons de la grogne. Le plafond des remises accordées aux pharmaciens sur les prix des médicaments génériques va baisser, a décidé le gouvernement. De 40 à 30 %, en septembre, avant de descendre à 20 %, en 2027. « Ils ont joué le jeu des génériques, massivement distribués en Bretagne, et voilà toute leur récompense. »

« Au-delà des conseils qu’ils prodiguent et des soins de bobologie qu’ils apportent, on a su compter sur eux pour effectuer les tests covid et les vaccinations, renchérit François, de La Feuillée. Comment garder des soins de proximité si les pharmaciens ne parviennent pas à gagner leur vie ? »

Malvina, atteinte de la maladie de Parkinson, n’ose pas imaginer son existence si, un jour, il lui fallait aller jusqu’à Morlaix (quinze minutes de route), Sizun (25 minutes et autant de kilomètres) ou Pleyben (plus d’une demi-heure de trajet) pour trouver les molécules qui la soulagent. « J’ai 55 ans et je ne sais pas combien de temps je serai encore en capacité de conduire… »

Moins de marge, c’est moins d’emplois

Dans ce secteur rural qui a déjà vu disparaître plusieurs officines, les pharmaciens sont unanimes : si leur activité est viable et pourvoyeuse d’emplois, c’est « grâce aux marges réalisées sur les ventes de génériques, l’équivalent d’un an de salaire d’1,5 poste de préparateur. Sur les médicaments hyper-onéreux des labos, on ne gagne pratiquement rien. Et les produits de beauté, accessoires, etc., ne représentent que 20 % de notre chiffre d’affaires », assurent les patrons de deux pharmacies du pays de Châteaulin (29).

Si les clients ne sont pas tous au fait de la tarification des génériques, ils sont, en revanche, bien au courant du doublement annoncé de la franchise médicale. Un reste à charge pour le patient qu’il est prévu de passer d’un à deux euros par boîte de médicament, avec un plafond de 100 euros par an (au lieu de 50).

Yannick accepte, bon gré mal gré, de devoir contribuer à l’effort de déficit de la Sécu mais estime qu’un reste à charge plus élevé peut être difficilement supportable pour de très petits revenus.Yannick accepte, bon gré mal gré, de devoir contribuer à l’effort de déficit de la Sécu mais estime qu’un reste à charge plus élevé peut être difficilement supportable pour de très petits revenus. (Valérie Cudennec-Riou)

« Une régression sociale », dénonce Nicole, de Plonévez-du-Faou (29). La mesure dérange aussi Gwénaëlle, de Plounéour-Trez (29), dont le fils diabétique requiert plus de 500 euros de traitement par mois. « À force de déremboursements, il y a un risque de ne plus pouvoir se soigner. »

Yannick, 53 ans, venu de Rennes voir sa mère, est partagé. « Le tout gratuit incite peut-être à des abus mais 50 euros de plus, c’est beaucoup pour certaines personnes… »

Comment garder des soins de proximité si les pharmaciens ne parviennent pas à gagner leur vie ?

Les patients ont leurs idées

Emmanuelle propose une autre piste d’économies pour la Sécu : « Exiger des laboratoires pharmaceutiques qu’ils adaptent leur conditionnement aux prescriptions des médecins : huit comprimés par boîte pour huit jours de traitement, plutôt que six cachets qui obligent à acheter deux boîtes ». Alors que pour Xavier, « c’est sur les cures thermales que le gouvernement devrait prendre ».

« En tout cas, qu’il ne compte pas sur nous pour encaisser et faire le rendu de monnaie. Nous n’avons pas vocation à collecter l’impôt pour l’État », appuie un pharmacien du secteur de Châteaulin.