En apparence, ce n’est pas le lieu le plus attrayant de cette 56e édition des Rencontres de la photographie d’Arles. L’agence Mes yeux objets patients (Myop) se dévoile dans les anciennes douches municipales à l’occasion de ses vingt ans. Une exposition « radicale », des mots de sa commissaire, Fannie Escoulen. Dans un site fermé au public depuis plusieurs dizaines d’années, l’odeur de vieille humidité et de moisissure est à dépasser.

Le sol est taché et jauni par l’effet du temps. Après une première pièce toute blanche, seuls les clichés des photoreporters de Myop colorent le cœur du bâtiment réhabilité pour les Rencontres, dans une pièce plongée dans l’obscurité. Dans une mise en scène remarquable, un cliché de chacun des vingt photographes de l’agence est affiché sur les portes des douches individuelles. Chacune d’entre elles se regarde comme une porte d’entrée vers un moment d’histoire.

« Cette installation se vit comme une expérience, confie Fannie Escoulen. Plonger dans les archives de vingt ans de photographies a été une expérience remuante, avec des choses pas simples à regarder. On observe toute la poésie du monde, alors qu’aujourd’hui on ne la voit sans doute plus quand on consomme l’image sur les réseaux, sans vraiment retenir l’image photographique. »

Un condensé des souffrances du monde

Fait rare aux Rencontres, les clichés de Myop sont à découvrir sans mise en contexte ni texte explicatif. Ils sont la trace d’un moment, d’une émotion brute, et du vécu d’un photographe qu’on entend narrer son expérience en s’approchant des portes défraîchies.