Par

Charlotte Lesprit

Publié le

17 août 2025 à 6h32

Ce livre est une lettre. Celle d’un père à son fils, disparu brutalement en avril 2024 à 30 ans, victime d’une dissection de l’aorte. Mais aussi le manifeste d’un homme de gauche, à la fois hommage et tentative : celle d’un élan qui clame qu’un « autre monde est non seulement souhaitable, mais nécessaire ». La disparition de Simon suivie de la naissance de sa petite-fille ont été pour Stéphane Delpeyrat-Vincent un choc, un appel intérieur. « J’ai compris qu’il ne suffisait plus d’attendre. Qu’il fallait y aller, maintenant », confie-t-il, assis au milieu des ouvrages de la librairie Nouveau Chapitre, à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde), commune dont il est maire depuis 2020. Car pour l’élu, oui, « même au cœur de la douleur, quelque chose peut encore se construire. »

Militant de longue date, d’abord maire de Saint-Aubin dans les Landes durant trois mandats, mais aussi porte-parole du Parti socialiste et vice-président de Bordeaux Métropole en charge de l’économie, l’édile a écrit Manifeste pour un monde vivable et vivant. À un fils révolté  afin de « continuer ses combats » – mais pas seulement.

« Une vie d’engagement »

« Je souhaitais lui rendre hommage dans la vie qu’il avait choisi de mener, qui était une vie d’engagement », mentionne Stéphane Delpeyrat-Vincent. En effet, Simon Delpeyrat-Vincent avait trouvé sa place au sein de l’écolieu Jeanot à Rion, dans la forêt landaise, où le jeune graphiste « a essayé de bâtir une petite société autrement » loin de tout parti politique. Il était par ailleurs engagé tant sur les questions féministes, d’antiracisme et environnementales.

Ce livre « vient de la douleur, mais ne s’y enferme pas », décrit l’édile dans son prologue. « Il vient de l’amour, mais ne s’en contente pas. Il vient de la politique aussi, mais pour la dépasser, pour aller plus loin. Il vient de toi, Simon, et il va vers ceux qui te ressemblent. Vers une jeunesse en colère. »

« Un héritage à l’envers »

Stéphane Delpeyrat-Vincent reprend les mots de son amie, la philosophe Cynthia Fleur qui l’a aidé dès les premiers jours à « ne pas baisser les bras » : « À un moment, il faut accepter que l’héritage se fasse à l’envers ». « Il faut se mettre dans cette perspective un peu bizarre qu’on va continuer les combats de son fils, ajoute-t-il. Mais ça marche, en fait. »

Et puis, il y a eu la naissance d’Ysé : « Quand vous perdez un enfant, vous avez l’impression que la vie continue, mais que vous, vous êtes resté dans un autre temps. Quand ma petite fille est née, ça s’est remis vers l’avant. Comme s’il y avait une temporalité normale. »

« Un jour, quelqu’un qui connaissait très bien Simon m’a dit que le meilleur moyen de lui rendre hommage, c’était de continuer. Parce qu’au fond, on se ressemblait énormément. »

Stéphane Delpeyrat-Vincent
maire de Saint-Médard-en-Jalles

« Simon était en révolte — comme beaucoup, et comme moi d’ailleurs. Il ne supportait pas l’extrême passivité de nos sociétés, de nos démocraties en particulier, face aux dangers qui nous font face : la crise climatique, notamment, mais aussi des inégalités qui n’ont jamais été aussi énormes. »

Écologie, soin, démocratie, solidarité, économie du bien commun, immigration, extrême droite… En dix-huit chapitres, Stéphane Delpeyrat-Vincent explore plusieurs enjeux contemporains. Il s’appuie sur les travaux des économistes Thomas Piketty et Julia Cagé, tout en puisant dans sa propre expérience, menée à Saint-Médard-en-Jalles. Ainsi, au fil des 75 pages, l’élu cite Henri Emmanuelli, dont il fut l’assistant parlementaire, partage des dessins de son fils, accompagnés de ses textes affectifs, et livre les témoignages d’anciens « fervents militants de gauche ». Un condensé qu’il conclue par un poème : « La vie frappe à la porte. Il faut ouvrir et, toujours, prendre le risque d’aimer. Tout ce qui est là et tout ce qui n’est plus. Simon. »

Une association au nom de son fils

Les bénéfices du livre seront reversés à l’association Simon Delpeyrat pour la jeunesse. « Je me suis rendu compte avec son décès que les jeunes de manière générale n’étaient pas pris au sérieux et qu’il y avait une forme de brutalité implicite de la société à leur égard. Simon, la veille de son décès, avait vu quelqu’un et je pense que s’il avait eu 65 ans on l’aurait hospitalisé », livre son père.

Parmi les premiers projets, Stéphane Delpeyrat-Vincent imagine la création d’une Maison perchée dans la métropole bordelaise. Inspirée de celle née à Paris, cette structure non médicalisée repose sur le principe de la pair-aidance. Elle a été pensée pour accompagner de jeunes adultes vivant avec des troubles psychiques.

Manifeste pour un monde vivable et vivant. À un fils révolté vendu 9 euros, aux éditions L’Atelier des Brisants.

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