Ils pensaient avoir flairé le bon filon, ils se sont finalement retrouvés à devoir batailler pour obtenir leurs gains. Une polémique a entouré les 64e de finale de la Coupe de France de basket, la semaine dernière, et plus particulièrement les paris sportifs sur cette rencontre : des parieurs qui avaient identifié une faille dans la confection des cotes se sont rués sur ces matchs, avec potentiellement des milliers d’euros à la clé pour certains. Face à l’engouement, certains opérateurs avaient décidé d’annuler les paris, plongeant les joueurs dans une certaine colère.
Quelle était la faille en question ?
Les 23, 24 et 25 septembre se déroulaient les 64e de finale de la Coupe de France de basket avec, cette année, le retour d’une règle particulière : un handicap appliqué en fonction de l’écart de divisions entre les équipes qui s’affrontent.
Au coup d’envoi, une équipe comptait donc automatiquement 7 points d’avance par division de moins que son adversaire. Une équipe de 2e division aurait donc eu + 7 par rapport à une équipe de l’élite, une équipe de 3e division + 14, et ainsi de suite. Problème : certains opérateurs de paris sportifs ont, semble-t-il, omis de prendre en compte cette règle instaurée en mars dernier par la Fédération française de basket (FFBB) dans le calcul des cotes, comme le révélait l’Equipe.
« Les sites se basent en général sur des cotes produites par des prestataires étrangers, et eux n’ont pas fait gaffe à la règle », avance Gaëtan (le prénom a été modifié à sa demande), « parieur semi-professionnel » et ancien employé d’un opérateur de paris en ligne. « Certains sites, comme Betclic, ont bêtement reproduit ces cotes-là. D’autres, comme Winamax, n’ont pas fait cette erreur-là, et ils ont tout simplement retiré le match de leur site. »
Quels opérateurs ont décidé d’annuler les paris ?
Le bon plan flairé par un certain nombre de parieurs attentifs a conduit un nombre inhabituel de personnes à miser, parfois gros, sur ces matchs d’ordinaire sans grand intérêt. Avec au total, plusieurs millions d’euros en jeu. En priorité, les joueurs ont misé sur des scores au premier quart-temps, forcément plus faciles à prédire lorsqu’une équipe part avec 7 points d’avance. Les opérateurs n’ont pas tardé à réagir, et si Parions Sports a par exemple annoncé qu’elle paierait en bonne et due forme les joueurs, d’autres ont annulé les paris concernés.
⚠️ [UPDATE] Coupe de France de Basket 🏀
L’édition 2024/25 de la CDF de Basket marque l’apparition de nouvelles règles, notamment le retour du handicap de 7 points par division d’écart.
L’application de ces nouvelles règles n’ayant pas été clairement communiquée par la…
— Betclic 🔞 (@Betclic) September 29, 2024
Ce fut le cas, par exemple, de Betclic, particulièrement critiqué par les joueurs après avoir communiqué pour annoncer l’annulation des Paris. Clément, 43 ans, employé dans l’immobilier, a « vidé (son) compte Betclic sur des paris concernant le 1er quart-temps ». Rien d’énorme : une cinquantaine d’euros misés pour 400 euros de gains potentiels. « Mais le soir des matchs, aucun paiement, et 4 jours plus tard, ils pondent leur communiqué plein de mensonges pour justifier leur arnaque et rembourser les paris. »
Ce n’est pas le seul opérateur à s’être attiré les foudres de mécontents. Corentin, 29 ans, contrôleur de gestion, a vu son pari de 100 euros sur Toulouse-Boulazac annulé par Bwin. Or, « même sans le handicap attribué par la FFBB, mon pari était gagnant, fulmine-t-il. De plus, j’ai appris aujourd’hui que Bwin avait payé des paris du même type à certains joueurs. Conclusion, certains ont été payés, d’autres non, et leur service client refuse catégoriquement de me payer mon dû. » Même problème pour Antoine, la trentaine, chez l’opérateur Betsson : « Je vais probablement saisir le médiateur (un mécanisme mis en place par l’ANJ pour régler les litiges) sans grand espoir, j’ai un préjudice d’une centaine d’euros… Je ne pense pas aller plus loin. »
Comment et pourquoi la situation s’est-elle débloquée ?
Le 1er octobre, Betclic a finalement fait marche arrière et annoncé dans un communiqué « [valider] l’ensemble des paris sur les quarts-temps du 29 septembre ». « Les règles concernant la prise en compte du handicap dans la compétition entre équipes de niveaux différents ont créé une situation inédite pour plusieurs opérateurs de paris sportifs, dont Betclic, justifie l’opérateur dans un communiqué. Betclic a la responsabilité de préserver l’intégrité des paris sportifs proposés sur sa plateforme et de garantir l’équité pour les parieurs en leur fournissant une information fiable. Ces deux conditions n’étaient pas réunies à la clôture des matchs, pour cette raison Betclic a pris la décision, le dimanche 29 septembre, d’annuler les paris sur les quarts-temps, et de rembourser intégralement les joueurs concernés. »
« Le 30 septembre, la Fédération française de Basket Ball a officialisé les résultats, permettant aux opérateurs de disposer de données définitives, poursuit le communiqué. Au regard de ces nouveaux éléments, Betclic a pris la décision de corriger sa position du 29 septembre, et de valider le paiement des joueurs concernés par les paris sur les quart-temps. »
📢 Brève – Coupe de France de basket : exécution des paris sportifs concernant les rencontres des 22, 23 et 24 septembre pic.twitter.com/gIRw0oPe38
— Autorité nationale des jeux (@ANJ_FR) October 1, 2024
Plus tôt, l’Autorité nationale des Jeux avait communiqué publiquement sur la situation, assurant que « l’exécution des paris doit donc être réalisée au regard de la première annonce des résultats par la FFBB. » Plusieurs joueurs, se sentant lésés, disaient avant le déblocage de la situation être prêts à porter l’affaire devant les tribunaux. Et malgré l’issue favorable, certains fulminent encore. « C’est anormal qu’on soit obligé d’en arriver là, grogne Clément, qui avait parié sur Betclic. Ils payent juste parce qu’ils sont obligés. Pas parce qu’ils font un geste commercial. Ils ont peur du bad buzz et du procès qui allait arriver. Et il faut que le bad buzz continue car ils ont des pratiques abusives. »
Même si certains parieurs ont obtenu satisfaction, d’autres, notamment Corentin et Antoine qui avaient parié sur Bwin et Betsson, ont peu d’espoirs de voir un jour la couleur de leurs gains. « Je n’ai même pas reçu le remboursement de mes mises », se sidère le second, qui s’est vu signifier par l’opérateur que la décision concernant ses paris était « définitive ».