Aix-en-Provence célèbre Paul Cezanne avec une exposition majuscule au musée Granet, l’ouverture de la bastide familiale au Jas de Bouffan et la restauration de l’atelier des Lauves.
À l’époque de Paul Cezanne, la bastide du Jas de Bouffan était perdue au milieu des vignes. Aujourd’hui, elle est près de l’autoroute, entourée par les immeubles. Les grands marronniers de l’allée sont morts mais la bâtisse a miraculeusement travers les temps, avec cinq hectares de jardins. Pour le peintre, c’est là, dans le grand salon, que tout a commencé. Remarquablement restaurée, elle accueille depuis le début de l’été les visiteurs à l’occasion de la saison Cezanne 2025 organisée par la ville d’Aix-en-Provence, en l’honneur de l’enfant du pays.
La bastide du Jas de Bouffan ouvre ses portes aux visiteurs.
Les travaux vont encore durer quelque temps, mais on peut déjà découvrir ce lieu où s’est inventée une partie de la modernité. Acquise par le père de l’artiste en 1859, elle restera dans la famille jusqu’en 1899. Grâce à des projections numériques, les murs peints dans le grand par le jeune peintre à 20 ans reprennent vie, puis le visiteur peut grimper sous les toits dans le second atelier avec sa grande fenêtre ouverte sur les frondaisons.
Quarante années de chefs-d’œuvre
Baigneuses, paysages, natures mortes… Pendant 40 ans, vont naître ici des chefs-d’œuvre, dispersés à travers le monde et réunis aujourd’hui au musée Granet avec une exposition de 140 œuvres, prêtées par les plus grands musées de la planète. Une exposition magnifique bien sûr, mais surtout lumineuse d’intelligence grâce au travail des commissaires Bruno Ely, directeur du musée Granet et Denis Coutagne, président de la société Paul Cezanne, tous deux spécialistes de l’œuvre du peintre… C’est bien simple ! Vous ne connaissez rien à Cezanne ? En sortant de l’exposition, vous aurez tout compris ! Les grands moyens déployés, notamment des éclairages permettant d’accrocher côte à côte des peintures et de fragiles aquarelles rendent encore plus lisible cet accrochage.
Avec la douzaine d’autoportraits ponctuant l’exposition, le temps s’écoule depuis les grands décors peints pendant une dizaine d’années sur les murs du Jas de Bouffan, déposés puis vendus à la découpe aux quatre coins du monde. Environ 70 % du grand salon a été rassemblé pour une entrée en matière majestueuse et se devine déjà les recherches à venir de Paul Cezanne. Le dernier morceau, L’Entrée du château, a été retrouvé au Japon trois semaines seulement avant le vernissage !
Dans ces premières œuvres, apparaît un Cezanne expressionniste. « Cela montre la liberté d’un artiste », explique Bruno Ely. Au milieu du salon, trône le portrait du père qu’il a cherché à séduire, à convaincre et qu’il signe Ingres, le seul nom de peintre connu du paternel. Les proches, les amis, la famille défilent notamment Emile Zola. Au dos d’un portrait de sa mère à la brosse, apparaît le portrait de sa sœur au couteau.
« Un pied dans la tradition, un pied dans la modernité »
Peu à peu, cette première manière « couillarde » laisse la place aux œuvres de la maturité, adoucissant sa palette, dialoguant avec les impressionnistes, puis il déstructure sa touche, tord les perspectives, architecture ses compositions pour aller à l’essentiel avec une touche « constructive ». Une salle autour des paysages est particulièrement impressionnante, une véritable leçon de peinture. Cezanne cherche, expérimente, s’adapte, se remet sans cesse en question. Avec ses baigneuses, Cezanne travaille autour de la lumière, figure une symbiose entre le corps et la nature, « un pied dans la tradition, un pied dans la modernité », poursuit le commissaire. Une autre salle autour des fameuses natures mortes éblouit de même, avec ses innovations, ses paradoxes. « Plutôt que la fidélité à la réalité, il construit une stabilité par une série d’instabilités », résume Bruno Ely.
C’est aussi au Jas de Bouffan, qu’il peint l’une de ses toiles les plus célèbres, Les Joueurs de cartes, faisant poser les paysans des alentours. Le tableau, prêté par le musée d’Orsay, est remis en perspective à la fois dans son œuvre et dans l’histoire de l’art.
L’exposition s’achève par une évocation de l’ailleurs. Car Cezanne n’a pas travaillé qu’au Jas de Bouffan, on connaît bien sûr ses vues de la Sainte-Victoire. Mais cet ailleurs, ce n’est pas seulement l’extérieur, c’est aussi tout le XXe siècle qui va se nourrir de l’œuvre de Cezanne, comme le montre une Vue de la mer à l’Estaque, qui faisait partie de la collection de l’un de ses plus admirateurs, Pablo Picasso.
Exposition jusqu’au 12 octobre. Vendredi au mercredi, 9 h-19 h ; jeudi, 12 h-22 h. Musée Granet, place Saint-Jean-de-Malte, Aix-en-Provence. 18 €, réduit 16 €, gratuit étudiants et – 18 ans. Réservation obligatoire granet-reservation@mairie-aixenprovence.fr ou 04 42 52 88 32.
Bastide du Jas de Bouffan, jusqu’au 30 septembre, tous les jours, 9 h-19 h. Puis jusqu’au 2 novembre, tous les jours, 10 h-17 h 30. 4 route de Valcros, Aix-en-Provence. 9,50 €, réduit 7,50 €, gratuit – 12 ans. 04 42 16 11 61.
L’atelier des Lauves a été restauré pour être au plus près de ce qu’il était à la mort de Cezanne.
L’atelier des Lauves
Construit sur les hauteurs de la ville en 1901, l’atelier des Lauves dévoile l’intimité d’un Paul Cezanne vieillissant. Le peintre en avait lui-même dessiné les plans, avec son grand atelier largement ouvert sur l’extérieur. Le lieu a été sauvé dans les années 1950 grâce des mécènes américains. Grâce à un projet d’aménagement et deux années de travaux, la maison et le jardin ouvrent à nouveau leurs portes, au plus près de ce qu’il était à l’époque de Cezanne. Son grand chevalet, sa dernière palette, le pot à gingembre des natures mortes, des crânes peuple encore ce lieu habité par la mémoire du peintre, mort en 1906, après avoir un malaise sous l’orage de la Sainte-Victoire.
Jusqu’au 30 septembre, tous les jours, 9 h-19 h. Puis jusqu’au 2 novembre, tous les jours, 10 h-17 h 30. Atelier des Lauves, 13 avenue Paul-Cezanne, Aix-en-Provence. 9,50 €, réduit 7,50 €, gratuit – 12 ans. 04 42 16 11 61.