C’est en 2022 que la galerie d’art contemporain Égrégore s’est installée dans la campagne lot-et-garonnaise, à La Réunion, près de Casteljaloux. Plus exactement au domaine de Souliès, une ancienne exploitation agricole dotée de 27 hectares, ce qui permet tout naturellement d’exposer des œuvres en extérieur. Ce matin-là, les statues de Rémi Trotereau disposées dans les hautes herbes semblent être les fantômes du lieu chargé d’histoire.

Les pins parasols qui se dressent aujourd’hui furent plantés, à l’origine, pour signifier aux protestants que la propriété sur laquelle ils pénétraient était une maison amie. Avec sa galerie, Jean Guérard prolonge l’idée : « Égrégore est une terre d’accueil et de sécurité pour les amis de l’art », lance le président de « la plus grande galerie associative de France ». Le calme et la sérénité de l’endroit l’ont séduit, lui et sa femme, qui ont habité la ville de Marmande durant de nombreuses années.

Le calme et la sérénité de l’endroit ont séduit Jean Guérard et sa femme Catherine

Le calme et la sérénité de l’endroit ont séduit Jean Guérard et sa femme Catherine

Photo Loïc Déquier/SUD OUEST

« Si la ruralité nous accueille, mettons-la en valeur avec quelque chose de très beau. » C’est avec cet état d’esprit que le couple a fondé la galerie. Mélangeant pierres d’origine, charpente et grandes fenêtres, le lieu a su garder son ambiance originelle avec une pointe de modernité. Entouré des regards des statuettes de sa femme, Catherine Guérard, le galeriste confie admiratif : « Toutes ses œuvres renvoient à un moment de vie, elles correspondent toutes à une émotion en particulier. »

« Il y a de l’histoire et de l’art à chaque coin »

Les statuettes exposées dans la galerie et dans la maison veillent sur les visiteurs. « Il y a de l’histoire et de l’art à chaque coin », glisse Jean Guérard, en expliquant l’origine de chaque œuvre et artiste exposé chez lui.

Le salon est rempli des statuettes de Catherine Guérard.

Le salon est rempli des statuettes de Catherine Guérard.

Photo Loïc Déquier/SO

Vote du public jusqu’au 7 septembre

Lorsqu’ils arpentent le petit labyrinthe qu’est la galerie, les visiteurs traversent les univers de chaque artiste, alternant entre réalisme et imaginaire, passant de la peinture au dessin, à la sculpture ou à la photo. Pour sa sixième édition cette année, le challenge artistique Égrégore, organisé par le lieu, a pour thème les vers de Baudelaire « Là, tout n’est qu’ordre et beauté/Luxe, calme et volupté. » Les neuf participants retenus (sur 143 dossiers) exposent plusieurs de leurs œuvres, ainsi que celle qu’ils ont choisie pour les représenter au concours. À la clé, 5 000 euros pour le prix du jury et 1 000 euros pour le prix du public.

Ça ne m’intéresse pas un artiste qui peint bien, je veux qu’il sorte ses tripes et qu’ils les mettent sur la table

Guillaine Querrien et Thierry Dalat ont remporté le prix du jury 2025. Quant au prix du public, il est toujours en cours : les visiteurs peuvent voter à la galerie jusqu’au 7 septembre, date de fin de l’exposition. Les artistes sélectionnés ont la possibilité de se représenter chaque année, même s’ils ont déjà été récompensés. « Le tout, c’est qu’ils rentrent dans le thème imposé tous les ans, précise Jean Guérard. Ça ne m’intéresse pas un artiste qui peint bien, je veux qu’il sorte ses tripes et qu’il les mette sur la table. »

Une oeuvre de Stéphanie Sautenet, sélectionnée pour le challenge Égrégore 2025.

Une oeuvre de Stéphanie Sautenet, sélectionnée pour le challenge Égrégore 2025.

Loïc Déquier/SUD OUEST

Les statuettes prennent un nouveau visage sous les jeux de lumières.

Les statuettes prennent un nouveau visage sous les jeux de lumières.

Photo Loïc Déquier/SO

Une oeuvre de Thierry Dalat, lauréat du prix du jury du challenge Égrégore 2025

Une oeuvre de Thierry Dalat, lauréat du prix du jury du challenge Égrégore 2025

Loïc Déquier/SUD OUEST

À travers ce challenge, Jean Guérard cherche à faire découvrir des artistes qui le touchent et qui sauront émouvoir le public. « L’art n’est pas fait pour être compris, c’est une émotion que l’artiste ressent à ce moment-là », décrit-il.

Le marché de l’art en déclin

Le challenge et la galerie se trouvent menacés par les coupes budgétaires et la baisse du pouvoir d’achat des Français. Les temps ont changé depuis l’époque où la galerie nichait en plein cœur de Marmande (entre 2010 et 2018). À l’époque, « des couples de fonctionnaires […] se faisaient plaisir une fois par an. Ils achetaient un tableau à 3 000 euros, c’était une acquisition qu’ils réalisaient ensemble », se remémore l’ancien élu marmandais. Cette année, depuis le début de l’exposition, aucune œuvre n’a été achetée.

Les propriétaires sont restés le plus fidèles possible à la disposition originelle du lieu, une ancienne étable

Les propriétaires sont restés le plus fidèles possible à la disposition originelle du lieu, une ancienne étable

Photo Loïc Déquier/SO

« Le marché des arts, il en reste un : ce sont les galeries où le premier prix est à 50 000 dollars, pour les gens qui sont très riches et qui n’en ont pas grand-chose à faire de l’art », déplore le Lot-et-Garonnais. En organisant ses expositions, Jean Guérard aimerait trouver un ou plusieurs mécènes pour permettre à la galerie de perdurer. « J’ai l’impression d’être le dernier des Mohicans. Et je vais crever, mais je n’ai pas envie de me renier », insiste-t-il, bien déterminé à sauver la galerie.

La galerie est ouverte du mercredi au dimanche de 14 heures à 19 heures et sur rendez-vous. Possibilité de faire un don : www.galerieegregore.com/dons