Ça sent la crème solaire et les vacances. Tout comme sur la Côte d’Azur, les touristes prennent d’assaut le littoral italien durant cette période estivale.

« Sauf qu’ici il y a de la place pour poser sa serviette », soutient Cassandre, Niçoise de 25 ans, qui prend un bain de soleil entre amis de l’autre côté de la frontière, à San Remo. Sur la Riviera des Fleurs, les Français profitent aussi de la Méditerranée.

Mais comment? « On vient une fois par mois l’été », indique Alexandre, lui aussi dans la vingtaine, qui fait connaître la Ligurie à ses amis bordelais et breton.

« On passe la journée à la plage et on en profite pour bien manger », sourit Cassandre qui fait le point sur le budget à côté d’Antoine: « L’addition au final est la même que chez nous, sauf que le restaurant choisi est plus haut de gamme. »

Une opération gagnante à évaluer sous un grand-angle pour Alexis. Derrière ses lunettes de soleil, le jeune homme évoque les péages (14,60 euros aller-retour) et l’essence à prendre en compte (13,93 euros selon ViaMichelin).

« En tout cas c’est plus calme », relèvent ces jeunes gens qui troquent les galets pour le sable le temps d’une escapade à 57 kilomètres de la capitale azuréenne.

Un choix fait également par Hageir, 50 ans, et Jean-Claude, 71 ans. « Nous, on vient spécialement pour les plages privées », sourit cette expatriée qui a vécu trente ans dans les Alpes-Maritimes avant de s’installer à Montréal: « On est en France depuis juin, on vadrouille dans le Sud-ouest, en Alsace et en ce moment on loge à Nice. On voulait passer plusieurs jours en Italie mais on n’en aura pas le temps. C’est dommage! Mais on est déjà ravis de l’expérience. » Sac sur le bras, le couple part en quête d’un transat.

Et du choix, il y en a. Beaucoup. Des matelas rayés, bleus, blancs, verts, avec ou sans pieds dans l’eau et surtout avec des prix qui peuvent être bas.

Le matelas à 7 euros la journée, le parasol à 4 euros

Comme à la spiaggia Tre Ponti. « Le matelas c’est 4 euros la demi-journée, 7 euros la journée. Le parasol c’est 3 euros la demi-journée, 4 euros la journée », indique, très professionnel, l’affable Houssan au milieu des deux cents places que compte l’établissement de bain.

Une marée de toiles tendues orange qui vient se jeter dans l’eau azur. La même que dans les Alpes-Maritimes où les matelas tournent autour de 35 euros la journée.


Martial, Christine et leur groupe ont quitté la Côte d’Azur pour profiter de la piste cyclable de la Riviera dei Fiori. Photo Dylan Meiffret.

« Les Français sont des clients récurrents, on les voit surtout arriver nombreux lors des jours fériés et en août », précise le salarié qui depuis cinq ans fait partie de l’équipe. « Il y a des fidèles qui viennent depuis des années. Leur place est réservée. Ils appellent et on leur garde leur espace. »

Certains optent même pour une option longue durée: au gré des plages privées, on découvre des parasols portant des bracelets avec deux dates et un nom. Une manière d’attribuer les matelas pour une période donnée.

Des pizzas à moins de 10 euros, des jeux pour les enfants

Le sens de l’accueil: voilà également ce qui séduit les Azuréens. « La proximité qu’on retrouve chez les gens, c’est très sympa », commente Martial avant d’enfourcher son vélo pour pédaler le long de la large piste cyclable de la Riviera dei Fiori.

Une voie qui permet de relier huit communes de la province d’Imperia sur plus de trente kilomètres.

Des Français qui s’y musclent les mollets: tout sauf une surprise pour Alvaro. « On en voit souvent », constate-t-il devant son stand de location de vélos et autres rosalies. Y a-t-il davantage de familles et couples francophones cet été? « Difficile de le dire, mais ils sont présents. »

Même constat sous l’ombrellone de Marco qui gère la location de pédalos vers l’est de la commune: « On a aussi des Russes et des Allemands. » Il suffit de tendre l’oreille.

Çà et là sur les terrasses des petits cafés, snacks et restaurants la langue de Molière résonne au milieu de celle de Goethe et de Shakespeare.

« On peut trouver des pizzas à moins de dix euros: depuis combien d’années en France c’est impossible? », avance Claudia qui vit à Menton.


Alexis, Alexandre, Cassandre et Antoine ont pris l’A8 depuis Nice pour passer la journée à Sanremo. Photo Dylan Meiffret.

Sur les cartes: une Marguerite a 8 euros, une Napolitaine a 9. « Il y a des endroits vraiment bien tenus avec des tarifs très corrects », soutient la mère de famille qui évite les « attrape-touristes ».

« C’est comme chez nous, il y a de tout! Mais c’est vrai qu’avec les enfants, on n’a pas envie de régler une note trop chère. Pour ce qu’ils mangent des fois… Le bon côté c’est qu’il y a souvent des jeux pour les petits, c’est très familial ici. »

Les saveurs, le soleil, la lumière. Une expérience digne de la dolce vita qui a séduit Danièle et son époux Patrick. Bretons, ils viennent de passer deux semaines transalpines avec leur van aménagé. Un road trip qui leur a permis de découvrir pour la première fois l’Italie et les lacs Majeur et de Côme. Pour les nuits, ils ont dû opter pour les campings, pas le choix.

Des étapes qui les conduiront à regagner leur domicile de Dinan (Côtes-d’Armor) en passant par… la Côte d’Azur? « Non, on va remonter vers le Massif central et la Dordogne. »

Luxe de leur voyage: une nuit d’hôtel à 70 euros à Milan. « On a dû payer le parking parce que pour garer notre véhicule c’est compliqué en ville. Mais c’était très bien on était dans un emplacement central. »

Et les restaurants? « On se fait plaisir mais on aime les choses simples. » Bref, pas besoin de dépenser des mille et des cents pour apprécier l’instant. « En Italie on a pu trouver des bonnes adresses. Et dans l’ensemble c’est propre, agréable! »

Ils pensent réitérer le voyage, mais cette fois plus loin: « On ira dans le Sud! » De futurs habitués qui sait?

Le vendredi, c’est Vintimille!

C’est déjà le cas pour Sandrine. La Niçoise arpente les allées du marché de Vintimille plein comme un œuf: « Je viens tous les mois. Principalement pour faire les courses alimentaires: au marché on trouve des fruits et légumes très beaux, moins chers que chez nous. Et ça vient d’ici, pas d’Espagne! »

Entre les étals du rendez-vous hebdomadaire, on entend plus parler français qu’italien. Devant un stand d’accessoires où des pinces à cheveux en forme de fleurs sont vendues 1 euro, Sonia et ses filles farfouillent.


Danièle et Patrick ont passé deux semaines à vadrouiller en Italie dans leur van aménagé: ils ne s’arrêteront pas sur la Côte d’Azur sur leur chemin du retour. Photo Dylan Meiffret.

Les Varoises profitent des vacances pour faire du shopping: « On a pris la voiture, on est parties à 7 heures. En règle générale on fait toujours un saut ici l’été, ça nous fait comme un petit voyage et c’est l’occasion de se faire plaisir. »

Idem pour Séverine et sa famille, séjournant sur la Côte d’Azur pour deux semaines. Eux sont de la région dijonnaise. Ils découvrent les « super offerta » et autres « prezzi imbattibili »: « J’adore les marchés. Ça fait partie des activités des vacances. On nous a conseillé de venir ici et je comprends pourquoi. »

Au bout de son bras, déjà deux sacs: une blouse pour la rentrée à 10 euros, un top à 5 euros. « Il y a des articles que je n’ai jamais vus nulle part, c’est aussi pour ça qu’on achète, on n’est pas sûr de retrouver ça ailleurs », commente Mylène, 30 ans, de Bordeaux qui a craqué pour une peluche arc-en-ciel, très tendance, à 12 euros.

D’autres, comme Clément et Enzo, 22 et 21 ans, peinent à se réjouir devant la marée d’articles: « On attend que notre groupe fasse son tour. Nous, on est venus pour manger! » Courage messieurs, midi sonne dans seulement… deux heures !

« La vie est bien moins chère que sur la Côte d’Azur »

La Chambre de commerce italienne de Nice mène notamment des missions de promotion touristique à destination du public français.

Elle édite 15.000 exemplaires de son guide « Visitez l’Italie » pour faire connaître les charmes de la Botte aux visiteurs et habitants de la Côte d’Azur.

Giacomo Rinaudo, directeur des relations institutionnelles, fait le point sur l’attractivité transalpine.

Les Azuréens visitent-ils davantage l’Italie?

Il n’y a pas de chiffres précis sur les Azuréens. Mais on constate que la fréquentation des Français est en hausse depuis la pandémie (1). Ce qui est logique: depuis cinq ans les destinations de proximité sont privilégiées. Les marchés principaux pour l’Italie restent l’Europe du nord (Suède, Danemark…) et la France.

Qu’en est-il des transports?

Rome est desservie plusieurs fois par jour depuis Nice. Et de nouvelles lignes aériennes s’ouvrent. Comme celle qui relie Nice à la Calabre par easyJet, nous avons travaillé dessus depuis quatre ans pour qu’elle fonctionne aujourd’hui. Le processus est long. Il ne faut pas oublier qu’en Italie le tourisme n’a jamais été développé comme en France, avec la même volonté et moyens. Mais les régions font les démarches. En ce moment, La région des Marches sur la côte Adriatique mène une opération de ce type pour que la ville d’Ancône puisse être accessible par un vol direct depuis la France.

Et le train?

Cela pourrait mieux fonctionner. On travaille en partenariat avec Trenitalia et FS Treni Turistici Italiani. On attend la ligne à grande vitesse qui reliera Marseille – en passant par Nice – à Milan. On devrait, à l’horizon 2027, pouvoir en 3h30 être à Milan en partant de Nice. Mais les travaux entre Gênes et Milan sont en cours et pour le moment il n’y a pas de compagnie sur le projet. En attendant, un train nocturne est mis en place pour relier Nice à Rome (2). Je trouve que c’est une bonne alternative dans cet ancien train bien rénové: c’est une expérience de voyage.

Que viennent chercher les Français en Italie?

L’agritourisme séduit toujours. Mais la culture, au-delà de la gastronomie, intéresse: les communes développent leur offre sur cette thématique, il y a une réelle dynamique. L’authenticité est aussi très appréciée, cette simplicité avec l’accueil également. Certes, il y a des endroits où les infrastructures ne sont pas autant développées qu’en France, mais ce point qui peut sembler négatif fait partie du charme pour les visiteurs. Et bien évidemment, les prix!

Pourquoi le coût de la vie est moins cher qu’en France?

Il est surtout moins cher que sur la Côte d’Azur! Même si l’inflation est malgré tout présente en Italie. Il faut garder à l’esprit que cela fait trente ans que les salaires n’augmentent pas. Le pouvoir d’achat est donc moins important. Le secteur économique est différent, le foncier aussi: on a beaucoup d’entreprises, donc on parvient à obtenir des tarifs concurrentiels. L’agriculture locale est quantitative aussi. Mais il ne faut pas croire que tout est moins cher: le coût de travail n’est pas bas, les entreprises sont taxées de manière importante. Après, il faut aussi prendre en considération les différences entre Italie du nord et du sud où les tarifs sont plus bas. Prenez une pastèque: dans le sud vous en aurez une grande pour 2 euros, alors qu’ici vous avez un bout de celle-ci pour quasiment plus du double! 1. En 2019, les Français représentaient 30% du tourisme en Italie, en 2022 33,4%. Source: ministère du Tourisme italien.

2. L’Espresso Riviera par Trenitalia, le trajet dure environ 12h30