Écrit par


Laurence Postic

Publié le18/08/2025 à 06h45

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C’est une centenaire costarmoricaine qui a du caractère. À 107 ans, Francine Guillerm a vécu une longue vie, qui n’a pas été facile dans sa famille aux 12 enfants. Avec ses petites-filles, elle évoque l’évolution des mentalités, notamment en ce qui concerne les droits des femmes. Rencontre. [Article initialement publié le 07 mars 2025]

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« Quand j’étais à l’école, j’étais tellement menue, palote et chétive, qu’on disait cette petite-là, elle ne verra pas ses 20 ans. Figurez-vous que tout le monde est parti, moi je suis là encore ! ». C’est par cette anecdote truculente que Francine Guillerm se présente. Elle a aujourd’hui 107 ans et 7 mois. Comme pour les enfants, les mois comptent à cet âge-là.

Elle est née le 21 juillet 1917 et est l’aîné de 12 enfants. Elevée dans une ferme des Côtes d’Armor où travaillaient ses parents : « On nous mettait de bonne heure à travailler, à 12-13 ans, mais moi, je n’aimais pas la ferme car j’avais peur des bêtes », se souvient Francine. Elle devient par la suite bonne à tout faire chez différents employeurs. Francine Guillerm s’est retrouvée veuve à 34 ans, elle a élevé seule ses enfants et a travaillé jusqu’en 1977 ; jusqu’à ses 60 ans.

Moi, je leur ai dit qu’avec deux ou trois enfants, elles ne devraient pas travailler. On m’a répondu, on est obligées. Je leur ai dit, oui parce que vous voulez tout !

Elle a perdu ses quatre enfants. Et dans son logement à la résidence de l’If à Pommerit-Le-Vicomte (Côtes d’Armor) où elle vit depuis cet automne, elle reçoit ses 7 petits-enfants, ses 12 arrière petits-enfants, et ses 7 arrière arrière petits-enfants.

Parmi eux, Létitia et Nadia. Trois générations de femmes aux avis bien tranchés, au sujet du travail des femmes par exemple : « Moi, je leur ai dit qu’avec deux ou trois enfants, elles ne devraient pas travailler. On m’a répondu, on est obligées. Je leur ai dit, oui parce que vous voulez tout. Il faut que chacun ait sa voiture, faire des travaux dans la maison. Donc elles n’arriveront jamais », commente Francine.

Létitia, son arrière petite-fille, n’est pas de cet avis : « Je gagne mon argent, je peux faire ce que je veux, c’est moi qui gère, je suis un peu plus libre je trouve quand même ». 

Une troisième voix s’ajoute, celle de Nadia, petite-fille de Francine : « Le fait de travailler, ça permet aussi au niveau social de voir du monde, de parler d’autre chose, de se sentir utile aussi », tient-elle à préciser. 

Francine Guillerm a rencontré son mari dans une boulangerie où ils travaillaient tous les deux en 1937. Un mariage d’amour, dit-elle. Après son décès en 1952, elle ne s’est jamais remariée.

Il y a des familles où les femmes étaient tout le temps enceintes, toujours enceintes.

Un sujet rassemble ces trois générations de femmes : la contraception et le choix de ses grossesses. « Il y a des familles où les femmes étaient tout le temps enceintes, toujours enceintes », se souvient Francine. « Elles subissaient », déplore Létitia. « Oui, et puis, pas d’avortement. Alors qu’aujourd’hui on a le choix de ça aussi », commente Nadia. 

La plus grande révolution dans le quotidien de Francine Guillerm, ce n’était pas l’avancée du féminisme et des droits des femmes, mais l’arrivée de la machine à laver. Elle ne s’était pas battue pour le droit de vote ni pour le droit à l’avortement. 

Francine Guillerm ne sait pas ce qu’est le féminisme, question de génération probablement, contrairement à ses petites-filles et arrière petites-filles pour qui le mot combat n’est pas un vain mot, concernant les droits des femmes. « Elles se sont battues tout le temps, pour avoir le droit de vote, pour exister, pour avoir le droit à l’avortement, et là il faut encore qu’on se batte pour les salaires et pour être vraiment entendues par l’Homme », conclut Nadia. 

Francine, elle, dit prendre la vie comme elle vient et a toujours revendiqué une grande liberté. Elle fêtera ses 108 ans l’été prochain. 

(Avec Sylvaine Salliou)