Curiosité du recrutement toulonnais, Nikoloz Narmania (24 ans) est de ces joueurs à la trajectoire singulière. « C’est sûr que j’ai un parcours atypique », se marre le natif de… Moscou!

Car s’il est présenté (à juste titre) comme un pilier géorgien, c’est bien dans la capitale russe que « Naro » a poussé ses premiers cris, le 13 septembre 2000.

« En 1992, alors qu’il y avait la guerre en Géorgie, mes parents n’ont eu d’autre choix que de quitter le pays. Ils avaient des amis en Russie, alors ils ont décidé de s’installer à Moscou. »

Huit ans plus tard, Irakli et Maia (désormais âgés de 47 ans) donnent naissance au premier de leurs quatre enfants: le petit Nikoloz.

« À Moscou, mon papa avait un garage automobile et ma mère était coiffeuse. J’ai peu de souvenirs, si ce n’est que la ville était géante. » Des souvenirs « plutôt heureux » mais assez brefs.

Alors qu’il n’a que 6 ans, ses parents rebroussent chemin: direction Tbilissi.

« Mon père aurait aimé que je fasse du lancer de disque »

« Ils auraient aimé revenir plus tôt, mais dans les années 90 la situation de la Géorgie n’était pas stable, personne ne mangeait à sa faim. Et ce n’est qu’en 2006 qu’ils ont retrouvé la Géorgie de leur enfance. Un pays où il fait bon vivre, où les gens sont généreux, accueillants. On venait pour les vacances, et finalement on n’est jamais repartis. »

De retour auprès de leur famille, les Narmania investissent dans un appartement en plein cœur de Tbilissi, « acheté grâce à l’argent que mes parents avaient économisé en Russie. Bon, il fallait tout refaire, alors au début on dormait sur le sol, c’était rigolo. Le seul défaut de cet appartement, c’est qu’il était au 14 étage », se marre le solide droitier (1,85m, 122kg).

Et quelques semaines seulement après leur déménagement, Maia (devenue esthéticienne) et Irakli (qui a monté son entreprise pour écaler des noisettes) inscrivent leur aîné au rugby.

« J’étais hyperactif, alors mes parents m’ont fait essayer la lutte, le judo, le water-polo. Mon père aurait aimé que je fasse du lancer de disque comme lui, mais seul le rugby est parvenu à me canaliser. »

Ce qu’il aime dans ce sport? « Quand je regardais les pros, je me disais “a, c’est de vrais hommes, des guerriers. Je veux être comme eux ». »

Et plus précisément « comme Mamuka Gorgodze », [son] « idole ». « En même temps, comment pouvait-il en être autrement (rires)? » Dès lors, « Naro » n’entretient qu’un seul rêve: « jouer en Top 14 ».

Un objectif qui le mène de Raindebi, son club de quartier (de ses 6 à ses 13 ans), jusqu’à Tsikara (13-15 ans), puis Samta (15-16 ans), avant de rejoindre à 16 ans l’académie d’Armazi, club qui évolue en première division, et au sein duquel il fait ses débuts en équipe une quelques jours seulement après ses 18 ans.

« Je ne parlais pas un seul mot de français »

« Mais si je voulais me démarquer, jouer en première division ne suffisait pas: il fallait que je sois appelé en sélections jeunes. » Ce qu’il parvient à faire dès 2019, quand intègre la sélection U19 puis U20géorgienne.

Et s’il ne peut se mettre en lumière lors du mondial U20 2020 (annulé à cause de la Covid), Nikoloz Narmania profite d’un amical face à l’Afrique du Sud pour se montrer.

Quelques heures plus tard, il reçoit un coup de fil venu de France. Et plus précisément de Carcassonne, qu’il rejoint à l’aube de la saison 2020-2021.

La marche la plus importante de son ascension vers le Top 14. Mais aussi un véritable défi pour un môme de 19 ans, envoyé à 4.500km de ses amis, de sa famille, de son quotidien. « C’était loin, je ne parlais pas un seul mot de français, je ne comprenais rien dans les magasins… Si on ajoute qu’on était en 2020, que les stades étaient à huis clos, que je jouais en Espoirs et que le chemin vers l’équipe pro me semblait interminable… C’était vraiment compliqué au début. » Mais comme toujours, le temps finit par faire son effet.

D’abord, pour ce qui est de la communication, « Naro » (désormais complètement bilingue) parvient à maîtriser les rudiments du français après seulement quatre-cinq mois dans l’Hexagone.

Mais surtout, après des mois à ferrailler avec les Espoirs, Nikoloz Narmania touche (enfin) du doigt le monde professionnel, en faisant sa première apparition en équipe une le 13 janvier 2023.

En passe de réaliser son « rêve de gosse »

Et comme tester « Naro » c’est l’adopter, le Géorgien devient finalement titulaire avec Carcassonne en 2023-2024. Une saison pleine en Nationale plus tard, le solide Géorgien est appelé par Biarritz (2024-2025), puis finit par rejoindre Toulon en juin dernier.

Nikoloz Narmania n’a donc pas eu le parcours d’un surdoué propulsé sur le devant de la scène à 18 ou 19 ans, bien au contraire. Mais en croyant en sa destinée, et en s’accrochant à son profond désir de rugby professionnel, celui qui soufflera bientôt sa 25e bougie s’apprête à réaliser son « rêve de gosse »: découvrir le Top 14.

Une nouvelle étape dans l’odyssée de « Naro »? Pas la moins sinueuse, certes, mais Nikoloz Narmania le besogneux est prêt à relever ce nouveau défi. Gonflé à la ténacité. Et convaincu que le travail et la détermination permettent de soulever n’importe quelle montagne.