Si l’on porte Tales of Berseria au plus haut parmi les autres tentatives de la licence (oui, au delà de Vesperia ou même de Symphonia), c’est avant tout pour son héroïne. Velvet Crowe (d’ailleurs toujours designée par Inomata Mutsumi, une des plus grandes) n’est pas une « élue », un personnage candide amené par le destin à s’endurcir : c’est, dès le début du jeu, une survivante brisée, animée par un unique moteur, à savoir la vengeance. C’est bien simple : Velvet veut tuer celui qui a détruit sa famille, et est prête aux pires manigances pour atteindre ce but. Une posture morale instable, parfois crue, qui tranche avec les grands idéaux classiques du genre et offre à la narration de Berseria l’une des plus intéressantes à ce jour.
Autour de Velvet gravite une galerie de personnages qui ne cherchent pas tous la rédemption et apportent un peu de légèreté. On y vadrouille avec Magilou, sorcière farfelue à la langue acérée, Rokurou, samouraï sans maître obsédé par son duel de prédilection ou encore Eizen, pirate maudit en quête d’artefacts… La diversité de leurs objectifs, parfois opposés, nourrit des dialogues riches et des saynètes plus nombreuses que jamais (d’ailleurs, cette fois-ci, ces dernières sont disséminés à n’importe quel instant dans le jeu). Cette approche plus systématique des scènes optionnelles fluidifie la caractérisation et installe un équilibre salutaire entre noirceur (liée à Velvet) et légèreté. Sans oublier que, puisqu’il s’agit d’une préquelle, certains détails issus de Zestiria sont ici présents : les développeurs ont voulu reproduire le lien temporel distant qu’ils avaient déjà expérimenté entre Phantasia et Symphonia. Il existe aussi des clins d’œil, comme le bateau du groupe (le Van Eltia), qui reprend le nom de celui employé dans Tales of Eternia.
Pour mettre en scène cette narration plus sombre, l’équipe de développement fait un choix inhabituel côté moteur graphique : le moteur interne est laissé de côté au profit de l’Unreal Engine 4. Cependant, pour conserver l’identité visuelle propre aux Tales of, elle a intégré un shader personnalisé, lequel crée un effet de profondeur de champ subtile : l’arrière-plan est estompé comme une peinture, tandis que les personnages au premier plan ressortent avec plus de netteté. Et puis, si Berseria est le premier épisode original à débarquer sur PS4, il reste fondamentalement un jeu PS3 dans son ossature. Voilà qui se ressent dans ses environnements parfois vides et ses textures certes datées. Le choix de maintenir une sortie sur l’ancienne génération s’explique par la base installée au Japon, mais laisse à l’écran un rendu hybride. Le jeu est certes plus net (et surtout plus fluide !) que Zestiria, mais loin des ambitions visuelles de ses contemporains.
Le système de combat, quant à lui, se veut plus dynamique, centré sur des combos, tout en encourageant une certaine liberté d’action inédite jusqu’alors. On y retrouve la patte maison, mais avec un accent plus marqué sur l’agressivité et la gestion de ressources à la volée. Résultat : Berseria offre une des expériences les plus satisfaisantes de la série au niveau de combat (hormis peut-être Arise ?), tout en asseyant son autorité dans la licence grâce à une narration bien supérieure en intensité à ce qui avait pu être proposé jusqu’alors. Pour toutes ces raisons, il s’agit selon nous du tout meilleur Tales of, ce malgré le fait qu’il soit boudé par une grande portion de joueurs mécontents de la direction plus sombre empruntée dans cet opus. Mais l’histoire nous donne raison : le titre s’est finalement bien mieux vendu que Zestiria, et a malgré tout atteint les 2 millions d’exemplaires vendus (ce qui lui permet d’entrer dans le top 4 de la licence derrière Arise, Vesperia et Symphonia).