« Casser la routine. » S’il existe autant de raisons de partir que de voyageurs, sortir le nez des listes de courses et du boulot semble être le maître mot des futurs nomades qui s’apprêtent à faire un tour du monde. « Sud Ouest » a rencontré des Bordelais prêts à se lancer dans une telle aventure, avec leurs sacs à dos pour seuls bagages.

Parmi eux, des novices des grands voyages et des baroudeurs déjà confirmés, comme Caroline et Mathieu. Mariés jeunes, ils se sont pourtant laissé emporter par le tourbillon de la vie. « Nous ne sommes jamais partis loin avec les enfants mais le départ d’un couple d’amis à Londres suivi du licenciement de Mathieu nous a complètement sonnés. » De retour d’un premier voyage en Thaïlande en février dernier, ce qui tient d’abord d’une blague devient rapidement un projet monté à toute vitesse pour un départ le 31 août. « Oui, c’est un peu de l’inconscience, un peu de courage et même un peu de folie, confirme Caroline. Mais bon, si ça ne va pas, c’est tant pis, on rentre ! »

Une sacrée organisation

Derrière les aspirations au lâcher-prise et à la liberté, c’est toute une organisation à prévoir avant le jour J. Qu’il s’agisse des derniers arrivés sur les groupes d’entraide ou de ceux qui planifient leur voyage depuis des années. Car une fois les envies circonscrites et l’itinéraire tracé, le plus pénible reste à venir : recherche de logement, vaccins, assurances. Caroline et Mathieu ont ainsi réservé logements et billets d’avion sur les quatre prochains mois et comptent se déplacer tous les cinq jours environ.

Derrière les aspirations au lâcher-prise et à la liberté, c’est toute une organisation à prévoir avant le jour J

Quant à Géraldine, récemment partie avec son mari et ses deux enfants, elle a écumé les blogs et les podcasts pendant plus de six ans. « Internet et les réseaux sont à double tranchant : on y retrouve autant d’informations précieuses que tout et son contraire », confie la mère de famille. Au point qu’elle finit par douter de la meilleure marque de chaussures à acheter. Sans compter les t-shirts floqués, les carnets de voyage spécialement conçus pour les enfants et les comptes Instagram à alimenter.

Blogs, IA, « Guide du routard » ?

À l’inverse, Franck, à la veille du départ, a consciencieusement tiré un trait sur les réseaux sociaux et les marques de vêtements de pluie. À 30 ans, il organise son tour du monde avec sa copine depuis plusieurs années. « Pour quoi faire ? S’il nous manque quelque chose sur place, on trouvera. » Laurine et lui n’ont réservé que leur premier vol vers le Pérou et se laisseront guider par les rencontres. Une chose est sûre en tout cas : les guides papiers restent au placard. « Ce serait trop lourd d’en prendre pour chaque destination », estime Laurine.

Par gain de temps, Mathieu s’en est remis à ChatGPT : « Je lui donne ma destination, je lui demande ce qu’il y a à voir et j’affine au fur et à mesure notre parcours selon nos critères. À force, il me connaît. Je n’ai même plus à lui expliquer qu’on fait un tour du monde. »

Lorsqu’on s’apprête à faire un tour du monde, la question des transports et de son bilan carbone peut aussi pencher dans la balance. Franck et Laurine ont justement choisi de limiter leur nombre de trajets en avion à trois : pour se rendre en Amérique du Sud d’abord, puis en Asie du Sud-Est et pour rentrer. L’idée étant aussi de faire au moins cher. Sur neuf mois, ils comptent dépenser 11 000 euros chacun, moins de deux fois le budget par personne de certaines familles.

Assurer ses arrières

Car encore faut-il assurer une forme de revenu sur plusieurs mois. Tous propriétaires, les voyageurs rencontrés ont décidé de louer leur maison ou appartement. Assez pour rembourser le crédit sur leur bien pour Géraldine et Damien qui ont dû avoir recours à un prêt supplémentaire pour assurer les coûts du voyage. « Une fois qu’on aura profité, ce sera plus facile d’économiser. » À l’inverse, Laurine et Franck ont amassé un petit pécule depuis qu’ils travaillent, quitte à se restreindre sur les sorties et autres achats.

« On passe un temps fou à se préparer, mais on ne prépare jamais assez le retour »

« On passe un temps fou à se préparer, mais on ne prépare jamais assez le retour », prévient cependant David, qui a effectué un tour du monde, et est également cofondateur du collectif bordelais Les Voyageurs anonymes. Reconversion professionnelle, déménagement : beaucoup opèrent un virage à 360 degrés. Il peut y avoir un « effet boomerang », assure Christelle, également à l’initiative du collectif en 2022. Malgré le plaisir de retrouver famille et amis, les deux voyageurs trouvent difficile d’échanger avec eux et ressentent le besoin de garder le contact avec d’autres qui ont vécu la même expérience. Jusqu’à ce que chacun reprenne le cours de sa vie.