Et si Emmanuel Macron et Steve Witkoff avaient livré dès ce week-end les clés d’une négociation qui semble s’être engagée à distance entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, via Donald Trump et quelques dirigeants européens ? En résumé : l’Ukraine consentirait à la perte de territoires en contrepartie d’une garantie de sécurité. C’est sans doute ce « deal » qui se trouvait au cœur des rencontres à Washington, entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, accompagné de nombreux dirigeants européens (Emmanuel Macron, Keir Starmer, Friedrich Merz, Giorgia Meloni et Alexander Stubb).

Ces derniers n’ont pas été accueillis par le président états-unien, mais par la responsable du protocole. Ce ballet a duré près d’une heure devant les caméras impatientes du monde entier. Les dirigeants européens se sont d’abord retrouvés ensemble alors que les chefs d’État états-unien et ukrainien se rencontraient. Puis cet aréopage s’est réuni. À l’heure où ces lignes étaient écrites, le sommet se poursuivait.

Le premier élément d’un possible accord a été évoqué dimanche soir par le président français lors d’une déclaration à l’issue de la réunion de la « coalition des volontaires », cette alliance regroupant 31 pays ainsi que l’Union européenne et l’Otan. Répondant à la question d’un journaliste, Emmanuel Macron a expliqué : « Si on veut respecter le droit international, on ne stipule pas pour un pays des pertes territoriales pour lui. Ensuite, un pays peut tout à fait, dans le cadre d’un armistice, d’un cessez-le-feu, d’un traité de paix, reconnaître des territoires qu’il aurait perdus, qui sont gelés mais il ne reconnaît pas qu’ils sont sous une autre souveraineté. Il reconnaît qu’il les a militairement perdus. Ça n’est pas contraire au droit international. »

Article 5 sans intégration à l’Otan

Reste à savoir si le propos présidentiel tient juridiquement la route. Mais, politiquement, il revient à demander à Volodymyr Zelensky de reconnaître sa défaite militaire et d’acter que les territoires sur lesquels se trouve l’armée russe ne seront pas reconquis. Cela impliquerait-il que Vladimir Poutine ne revendique pas la souveraineté russe sur cette partie du Donbass, contrairement à ce qu’il a fait avec la Crimée annexée en 2014 ? En Alaska, le président russe a assuré à son homologue états-unien que la cession du Donbass conduirait à l’arrêt des combats.

En échange, États-Uniens et Européens offriraient une garantie de sécurité à l’Ukraine. Selon Steve Witkoff, Donald Trump a proposé cette option à Volodymyr Zelensky. « Nous sommes parvenus à un accord selon lequel les États-Unis et d’autres pays européens pourraient effectivement proposer une formulation similaire à celle de l’article 5 pour couvrir une garantie de sécurité », a-t-il déclaré, lors d’une interview accordée à CNN.

Selon l’émissaire spécial de Donald Trump, l’Ukraine se verrait accorder la même protection que les membres de l’Otan sans pour autant rejoindre l’alliance atlantiste. Le fameux article 5 stipule qu’une attaque contre un des alliés est considérée comme une attaque dirigée contre tous les alliés.

Le peuple ukrainien opposé à un tel accord

Cette proposition pourrait convenir à Moscou, qui refuse que Kiev intègre cette alliance militaire. Selon Vladimir Poutine, la volonté de l’Otan de s’étendre jusqu’aux frontières de la Russie fait partie de ce qu’il appelle les « causes profondes » de la guerre. Après la fin de la guerre froide, les pays occidentaux, États-Unis en tête, s’étaient engagés à ce que l’Otan ne pousse pas son périmètre au contact du territoire russe. Promesse brisée par l’adhésion des pays Baltes (Lituanie, Lettonie et Estonie) en 2004, les deux derniers partageant une frontière avec la Russie.

Depuis 2019, l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et à l’Otan est inscrite comme des caps stratégiques dans le préambule de la Constitution. Deux ans plus tard, lors d’un sommet à Bruxelles, les dirigeants de l’Alliance confirmaient leur volonté d’accueillir l’Ukraine.

L’engagement à offrir une « protection de type article 5 (…) change la donne », selon Steve Witkoff. Elle pourrait permettre à Volodymyr Zelensky d’accepter les pertes actuelles de territoires en se prémunissant d’éventuelles amputations futures, grâce au patronage occidental. Mais cela peut aussi relever du jeu de dupes. Dans l’hypothèse d’une nouvelle agression russe, quel pays de l’Otan peut-il réellement s’engager à se considérer comme étant en guerre avec la puissance nucléaire qu’est la Russie ?

Si cet accord devait être conclu sur ces bases, il nécessiterait un référendum, rendu obligatoire par la Constitution ukrainienne en cas de cession de territoires. Selon un récent sondage, près de 80 % des habitants du pays y sont opposés, indication d’un possible retour à la case départ des « négociations ».

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