Le 17 août, les UB 90 ont décidé de maintenir leur grève de chants et d’encouragements pendant 15 minutes « jusqu’à nouvel ordre ». Si l’association parle désormais de « quart d’heure de silence », elle s’oppose « à une fuite en avant où Chelsea mène la barque au détriment de l’indépendance de notre club ». Une décision toujours peu appréciée, et qui questionne sur l’ambiance qui règnera à la Meinau cette année.
C’est reparti pour un tour. On pourrait parler du retour de la Ligue 1 et du Racing Club de Strasbourg, quelques mois après sa saison conclue à une belle 7e place. On aurait également pu évoquer le fait que, pour la 6e fois consécutive, le Racing s’impose 1-0 face à Metz grâce à une tête de Panichelli, dans un derby qui n’a sans doute jamais été aussi déséquilibré.
Mais non, forcément, le 17 août dernier, au-delà de la victoire strasbourgeoise, un autre sujet était sur toutes les lèvres : le maintien de la grève des encouragements des UB 90. Une décision qui a amené la Meinau, par les réactions qu’elle a engendrées, à se fracturer durablement. Fini l’esprit de concorde qui régnait depuis le retour des enfers de la CFA2, et bonjour à des débats dénués de toute nuance sur les réseaux sociaux, et à une ambiance parfois malsaine. Rebelote cette année ?
Un « quart d’heure de silence » contre « un modèle où les clubs sont gérés comme des fast-foods »
Avant de s’interroger là-dessus, revenons sur le communiqué. Publié quelques heures avant le début de la rencontre, il permet à l’asso de supporters/rices de développer ses arguments quant au maintien de la grève pour une durée indéterminée. En résumé :
- Un mercato démentiel de plus de 100 millions d’euros, montrant « une fuite en avant où Chelsea mène la barque au détriment de l’indépendance de notre club ».
- Le fait que Behdad Eghbali, cerveau du projet BlueCo, ne les ait pas rencontrés.
- Un concept de multipropriété qui est « une logique destructrice qui transforme des clubs historiques en pièces interchangeables d’un portefeuille globalisé » et où « les clubs sont gérés comme des […] fast-foods ».
Ce qui se passe au sein de notre club est trop grave pour que nous fassions comme si tout allait bien face au football populaire qui se meurt.
Communiqué des UB 90
Des arguments dans la lignée de ce que l’association avait expliqué en avril dernier, lorsqu’on lui avait donné la parole. Et surtout, qui ne sont pas dictés par les bons résultats du Racing, qui « ne doivent pas aveugler ni interférer dans [leur] combat qui va bien au-delà de la culture de l’instant ».
Un seul vrai changement, sémantique celui-ci : les UB 90 ne parlent plus de grève, mais désormais de « quart d’heure de silence ». Bien moins connoté politiquement que la grève, le changement est intéressant, et sans doute motivé par les accusations de « grévistes », « CGTistes » et autres quolibets reçus durant toute la saison dernière. Reste à voir si le nouvel élément de langage prendra, alors que la défiance envers les UB 90 sera à observer.
© Adrien Labit / Pokaa
Quelle ambiance à la Meinau cette saison ?
Au-delà de la reconduction factuelle du « quart d’heure de silence », cette décision des UB 90 pousse à s’interroger sur la future ambiance de la Meinau pour cette nouvelle saison, auréolée de l’inauguration de la tribune Sud flambant neuve. En parcourant les réseaux, pas de surprises : ça râle sec derrière son clavier. Les mêmes profils, les mêmes arguments, les mêmes « il existe tellement d’autres manières de montrer son mécontentement mais on n’en propose aucune »… Bref, on est vraiment reparti pour un tour.
Mais si elle peut donner la température à un instant T, la bulle des réseaux n’est rien quant à la réalité du terrain, qui sera intéressante à observer. La saison dernière, les bons résultats du Racing avaient pu panser certaines fractures qui devenaient béantes entre ultras, supporters/rices et spectateurs/rices. Mais la réalité était tout de même là : les UB 90 se font désormais siffler à chaque fois qu’ils et elles entrent en tribune, et le reste de la Meinau suit beaucoup moins le groupe d’ultras dans ses chants. La tendance ne semble pas être prête de s’inverser, et risque même de s’aggraver.
© Nicolas Kaspar / Pokaa
Jusqu’où ? Certain(e)s sur les réseaux prônent la suppression des abonnements des UB, d’autres prédisent qu’un jour cela va dégénérer, attisant les braises. À voir comment le club gérera l’an 2 de la « grève », lui qui pour l’instant regarde ce qu’il se passe sans intervenir, tout en mettant quelques coups de pression de temps à autre. Mais le risque est une fracture encore plus béante entre les « pour » et les « contre », menaçant durablement la vraie âme du Racing : ses supporters/rices.
L’arrivée de la nouvelle tribune Sud sera un premier juge de paix de l’ambiance de la Meinau, souvent décriée l’an dernier. La Meinau va retrouver une caisse de résonance qui pourrait être impressionnante, et ce même si ce sont les VIP qui bénéficient d’une grande partie des nouvelles places. Lorsqu’elle était l’an dernier ouverte aux quatre vents, on pouvait trouver des excuses si l’ambiance manquait de peps ; cette année, ce sera difficile de se cacher si les chants ne résonnent plus.
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35 ans d’UB 90, jusqu’à quand ?
Pour finir, les UB 90 se trouvent aujourd’hui à un carrefour. Alors que l’asso fêtera cette année ses 35 ans d’existence, notamment lors de la réception de Lille le 9 novembre prochain et le déplacement à Auxerre le 8 mars, elle a désormais un soutien populaire plus faible qu’auparavant – il suffit de voir les célébrations pour les 30 ans face à Reims en 2021. À voir comment (et si) le public strasbourgeois décidera de fêter cet anniversaire.
Plus globalement, les UB 90 défendent aujourd’hui un modèle de football populaire qui semble de plus en plus utopique dans le monde professionnel du football français, où les multipropriétés sont légion [Nice, Toulouse, Lorient, Paris FC et donc Strasbourg comme clubs secondaires, et Lens, Lyon, Monaco, Paris et Metz comme clubs numéro 1, ndlr]. Et où beaucoup de supporters/rices ont déjà accepté/renoncé face aux grandes mutations du nouvel ordre du football français.
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Ainsi, si l’asso mène un combat de sensibilisation auprès des instances politiques, et qu’une proposition de loi visant à encadrer strictement la pratique de la multipropriété dans le football français a été déposée cette année, les UB 90 opèrent presque à contre-courant, dans une position chaque jour un peu plus inconfortable. Coincé(e)s entre l’amour d’un club, et le fait de ne plus le reconnaître.
En avril dernier, Maxime, porte-parole des UB 90, confiait que l’asso est « défenseuse d’un football qui nous est propre, et on le sera tant que l’association sera active ». La deuxième partie de la réponse amène son lot de questionnements : jusqu’à où, et jusqu’à quand les UB 90 seront-ils actifs pour défendre leur vision du football et du Racing ? Quid de la position du Racing et de BlueCo ? Et quelle ambiance si un jour l’asso s’en ira ? Alors que le groupe fêtera ses 35 ans cette année, les prochaines risquent d’être mouvementées.
© Nicolas Kaspar / Pokaa
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