Dans une étude publiée le 15 août dans la revue Science Advances, une équipe internationale de chercheurs a mis au jour des traces d’activité humaine vieilles d’au moins 2,6 millions d’années, sur le site de Nyayanga, au Kenya. Les premiers fabricants d’outils de la tradition oldowayenne, du Paléolithique inférieur, ne se contentaient pas de tailler des pierres trouvées à portée de main. Ils sélectionnaient des matériaux de qualité et les transportaient sur plus de 11 kilomètres pour les transformer en outils.

Cette découverte repousse la chronologie de ce comportement d’au moins un demi-million d’années par rapport aux précédentes explorations archéologiques et montre que les hominidés disposaient déjà de capacités cognitives complexes, rapporte le média en ligne américain 404 Media. Bien avant l’invention des chaînes logistiques modernes, nos ancêtres possédaient déjà une vision à long terme, une organisation élaborée et une véritable culture du matériel.

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«J’ai toujours pensé que les premiers fabricants d’outils devaient avoir plus de capacités que ce que nous leur attribuons parfois», confie Emma Finestone, titulaire de la chaire Robert J. et Linnet E. Fritz sur les origines de l’humanité au Musée d’histoire naturelle de Cleveland (Ohio). Elle insiste sur l’importance de voir, si tôt dans l’évolution, des hominidés capables de planifier, de différer le bénéfice de leurs efforts et de cartographier mentalement leur territoire.

Explorer le territoire pour survivre

Contrairement à la plupart des animaux qui utilisent ce qu’ils trouvent sur place, certaines espèces humaines et apparentées avaient déjà rompu avec ce schéma. Elles repéraient, sélectionnaient et transportaient des roches particulières (quartz, chert, granite) sur plusieurs kilomètres à travers la savane. Ce mode d’action traduit une approche plus réfléchie et coopérative qu’on ne l’imaginait, chaque étape du processus –collecte, transport, transformation– étant séparée dans le temps comme dans l’espace.

À Nyayanga, les outils servaient à préparer des végétaux, mais aussi à dépecer de grands animaux, comme l’hippopotame. On ignore encore qui étaient ces fabricants d’outils. Les chercheurs évoquent des représentants du genre Homo, mais n’excluent pas un cousin disparu, Paranthropus, dont les fossiles ont été retrouvés sur place. Ce dernier n’était jusqu’alors pas considéré comme un utilisateur d’outils. L’énigme reste donc entière, ouvrant la voie à de nouvelles hypothèses sur la transmission et l’acquisition du savoir-faire chez les hominidés.

Ces découvertes ne sont pas de simples curiosités archéologiques. Elles révèlent qu’il y a déjà 2,6 millions d’années, la fabrication d’outils dépassait le simple opportunisme pour devenir une véritable stratégie de survie. Les hominidés de Nyayanga semblent avoir jeté les bases de la technologie, celle-là même qui façonnera toute l’histoire humaine.

Les outils excavés mettent en lumière la profonde dépendance de l’humanité à la technologie: une constante qui n’a cessé de se renforcer au fil du temps. L’humain est un être technologique, utilisant ses créations pour survivre, explorer, s’épanouir et s’adapter, toutes cultures confondues, depuis plus longtemps qu’on ne le pensait.