La Ville de Marseille est propriétaire en nom propre d’au moins 113 ouvrages, bâtiments et monuments à valeur culturelle et historique. 60 d’entre eux sont d’ailleurs inscrits ou classés au titre des monuments historiques, soit près de la moitié des 122 monuments protégés sur le territoire de la commune. Ses services interviennent souvent en méconnaissance de leur état sanitaire, de leur valeur patrimoniale et de la réglementation applicable. Parfois, il s’agit d’ouvrages non protégés mais ayant une valeur patrimoniale suffisante pour exiger une attention particulière pour leur entretien, leur restauration ou leur transformation.

La Ville est restée longtemps indifférente à cet héritage historique qui fait pourtant sa richesse et participe à son développement touristique. En 2017, elle a bradé à un antiquaire de la Capelette une cheminée monumentale luxueuse en marbre rouge provenant du domicile-atelier de Jules Cantini, un immeuble sur le Prado cédé par l’ancienne municipalité à un promoteur qui l’a rasé pour une opération immobilière. En 2023, elle a lancé des travaux destructeurs de réagencement du second étage de l’Hôtel de Ville (1653) classé en totalité MH sans en demander l’autorisation à la commission régionale des monuments historiques. Des enfustages de 1840 sont ainsi partis à la benne. Cette même année, elle lançait des travaux sans autorisation sur la colonne de la Peste tout juste inscrite MH.

Ces incidents malheureux et révélateurs ont été des électrochocs pour la Municipalité qui a alors préparé et lancé en décembre 2024 un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage pour faire réaliser par des spécialistes des diagnostics de tout son patrimoine. Ce marché d’assistance à bons de commande d’une durée de 4 ans et divisé en 4 lots, a été attribué en juin. Les résultats ont été publiés ce 6 août. La collectivité va désormais pouvoir décider sur la base d’avis éclairés. Elle va pouvoir prioriser des opérations de restauration de ses édifices. « Ces diagnostics doivent aussi être l’occasion, pour la Ville de Marseille, de réaliser un premier inventaire mobilier de ces équipements » note sa Direction des études et projets de construction.

Des « objets isolés » aux « édifices d’exception »

Le lot 1 « Objets isolés » couvre une liste indicative de 24 statues et fontaines dans l’espace public, cela va de la pauvre fontaine Estrangin noyée sous les tags au théâtre des marionnettes du parc Chanot. Le marché a été attribué au groupement Fabienne Nabet-Hugon, Jade Peirano et Periscope Architecture.

Le lot 2 « Édifices de caractère » vise 23 bâtiments de moins de 1 000m² tels des chapelles et presbytères. Il est attribué à l’agence Archigem et ses deux architectes italiens de renom, Stefania Guiducci et Marzio Mercandelli. Ils pourront diagnostiquer l’école maternelle de la cité radieuse de Le Corbusier, la chapelle Buffon, le clocher de l’église des Accoules ou encore la Maison diamantée.

Le lot 3 « Édifices d’ampleur » porte sur 33 bâtiments de 1 000m² à 2 500m². Il est attribué à l’agence lyonnaise Archipat qui pourra auditer l’abbaye Saint-Victor, l’école de style Art Déco Malpassé ou encore la Bourse du travail.

Le lot 4 « Édifices d’exception » concerne 32 bâtiments de plus de 2 500 m² comme l’hôpital Caroline, le Préau des Accoules ou le théâtre du Gyptis. Il est attribué au groupement Atelier Codou, Goutal & Clément Architecte avec l’agence Sinopia, le bureau d’études Brizot-Masse-Ingénierie et le cabinet Chenevier-Mochkovitch.

Ces spécialistes reconnus du patrimoine auront des missions variées allant du simple état de l’existant avec cartographie, à l’étude historique de sa construction, l’examen d’éléments architecturaux remarquables, du relevé de désordres apparents à l’expertise structurelle complète. Ils pourront proposer des scénarios de remise à niveau, de réfection, d’utilisation. Ce marché sur 4 ans est conséquent, puisqu’il porte sur un volume maximal de prestations de plus de 2,2 millions d’euros HT.