La réponse de Paris ne s’est pas fait attendre. La présidence française a dénoncé ce mardi 19 août au soir comme «erronée, abjecte» l’accusation de Benyamin Nétanyahou, qui a estimé que la volonté d’Emmanuel Macron de reconnaître l’Etat palestinien nourrissait l’antisémitisme. La lettre du chef du gouvernement israélien «ne restera pas sans réponse», a ajouté l’Elysée, qui a aussi affirmé que «la République protège et protègera toujours ses compatriotes de confession juive». «La période exige gravité et responsabilité, pas amalgames et manipulations», a encore souligné la présidence.

Un peu plus tôt, le ministre français des Affaires européennes, Benjamin Haddad, avait déjà sèchement répondu aux nouvelles accusations du Premier ministre israélien. La France n’a «pas de leçons à recevoir dans la lutte contre l’antisémitisme», avait-il souligné, au micro de BFMTV. «Je voudrais dire de façon très claire et très ferme que ce sujet de l’antisémitisme qui empoisonne nos sociétés européennes, et on a vu une accélération des actes antisémites violents depuis les attaques du Hamas du 7-Octobre, on ne peut pas l’instrumentaliser», avait ajouté le ministre, selon qui les autorités françaises ont «toujours été extrêmement mobilisées contre l’antisémitisme».

Dans un courrier officiel transmis à l’AFP ce mardi après-midi, le Premier ministre israélien s’en était pris au président de la République en des termes forts. «Je suis préoccupé par la montée alarmante de l’antisémitisme en France et par le manque d’actions décisives de votre gouvernement pour y faire face. Ces dernières années, l’antisémitisme a ravagé les villes françaises», a écrit Benyamin Nétanyahou à Emmanuel Macron.

«Depuis vos déclarations publiques attaquant Israël et signalant la reconnaissance d’un Etat palestinien, il a augmenté», affirme-t-il. «Suite à l’attaque sauvage du Hamas contre le peuple israélien le 7 octobre 2023, des extrémistes pro-Hamas et des radicaux de gauche ont lancé une campagne d’intimidation, de vandalisme et de violence contre les Juifs à travers l’Europe», une campagne qui «s’est intensifiée en France» sous le mandat d’Emmanuel Macron, estime Benyamin Nétanyahou. Il liste plusieurs incidents récents, dont le saccage de l’entrée de bureaux de la compagnie aérienne El Al à Paris, l’agression d’un homme juif à Livry-Gargan en 2017, ou des rabbins «agressés dans les rues de Paris». «Ces incidents ne sont pas isolés. Ils constituent une plaie».

«Votre appel à un Etat palestinien alimente ce feu antisémite. […] Cela récompense la terreur du Hamas, renforce le refus du Hamas de libérer les otages, encourage ceux qui menacent les Juifs français et favorise la haine des Juifs qui rôde désormais dans vos rues», accuse encore le dirigeant israélien. Il loue en contre-exemple le président américain Donald Trump, pour son «combat» contre les crimes antisémites et pour «protéger les Juifs américains».

«Président Macron, l’antisémitisme est un cancer. Il se propage lorsque les dirigeants restent silencieux. Il recule lorsque les dirigeants agissent. Je vous appelle à remplacer la faiblesse par l’action, l’apaisement par la volonté, et à le faire avant une date claire : la nouvelle année juive, le 23 septembre 2025», apostrophe en conclusion Benyamin Nétanyahou. Cette date marque aussi la fin prévue de l’assemblée générale de l’ONU en septembre.

La guerre dans la bande de Gaza, déclenchée après l’attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël le 7 octobre 2023, a ravivé les velléités internationales à reconnaître l’Etat de Palestine. La France, par la voix d’Emmanuel Macron, a annoncé fin mai qu’elle reconnaîtrait en septembre prochain l’Etat de Palestine, à l’occasion de la 80e session de l’Assemblée générale des Nations unies.

Une décision qui «récompense la terreur», avait alors déjà fustigé Nétanyahou, en référence à l’attaque du 7-Octobre. Les Etats-Unis, premier soutien d’Israël, ont pour leur part «fermement» rejeté une mesure «imprudente». Quelques jours plus tard, le Canada avait lui aussi fait part de son intention en faveur d’un Etat de Palestine. Le Royaume-Uni a également annoncé qu’il le reconnaîtrait, sauf si Israël prenait une série d’engagements, dont celui d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Au total, les trois quarts des Etats membres de l’ONU reconnaissent l’Etat de Palestine, proclamé par la direction palestinienne en exil à la fin des années 1980. Cet acte diplomatique a été réalisé par une dizaine de pays depuis le début de la guerre à Gaza.

Fin juillet, l’Australie et 14 autres pays occidentaux, parmi lesquels la France et le Canada, ont «invité» la communauté internationale à reconnaître la Palestine. La Nouvelle-Zélande, voisine de l’Australie, a dit également qu’elle réfléchirait d’ici septembre à reconnaître un Etat de Palestine.

La France coprésidera en septembre avec l’Arabie saoudite une conférence internationale au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement visant à relancer la solution dite «à deux Etats», palestinien et israélien.

Mise à jour : à 20 h 20, avec l’ajout de la réaction de l’Elysée.