La Ligue 1 avait besoin d’histoires, de scénarios à la Netflix. Il lui fallait des romans, des récits. Avec l’OM et Adrien Rabiot, elle a des contes, du Perrault de la Canebière. C’est grandiose. Il était une fois un été paisible, calme. Le Duc du Val-de-Marne et le stratège lombard veillaient sur leurs sujets. Jonathan l’Anglois, un des plus turbulents d’entre eux, se tenait calme. Tous ensemble, ils se tenaient prêt pour servir la Bonne Mère. Soudain, après un match raté et un poteau du Duc à Rennes, le royaume s’enflamma.
Qui aurait imaginé que le joueur de la saison dernière de Marseille devienne indésirable en deux mois seulement ? Et en cinq jours, après une défaite de première journée contre Rennes ? De vendredi soir à ce mardi, l’explication est devenue embrouille, l’histoire est devenue affaire, et l’OM est passé d’une dispute d’après-match banale dans un vestiaire à une énorme engueulade. Adrien Rabiot, le fils magique, est rattrapé par son atavisme. Mark Twain a raison : la réalité est supérieure à la fiction. C’est l’affaire du poteau de Rennes…
ClOMwnesque
L’après-match breton est devenu au fur et à mesure des révélations un véritable pugilat. L’OM a décidé de placer la sacro-sainte institution au-dessus de tout, enfin ce sera leur prétexte. Comme lorsqu’il faut amputer un membre pour laisser le reste du corps en vie, les docteurs-dirigeants olympiens ont placé Adrien Rabiot et Jonathan Rowe sur la liste des transferts. Ils avaient déjà été exclus de l’entraînement collectif ce mardi. Ils reprochent au premier son manque d’investissement et un « comportement inadmissible dans le vestiaire après le match contre le Stade Rennais FC ». Adrien Rabiot, joueur majeur de l’OM, et Jonathan Rowe, élément secondaire sur le départ, sont mis sur le même plan. Pire, ils seront mis dans le loft s’ils restent. Comme Chancel Mbemba la saison dernière.
Communiqué officiel de l’Olympique de Marseille.
— Olympique de Marseille (@OM_Officiel) August 19, 2025
Pourtant, il y a trois semaines seulement, De Zerbi louait le professionnalisme de l’international français. « Il m’a énormément surpris. Parce que les journalistes italiens l’ont toujours décrit de manière très différente de ce que j’ai découvert. Humble, timide, réservé, travailleur. Il est passionné, il vit pour le foot », complimentait l’Italien à L’Équipe. Medhi Benatia était sur la même longueur d’ondes à la fin de la saison dernière : « Un joueur comme Rabiot est fondamental […] C’est peut-être le joueur et l’homme le plus important du projet. » Mieux, dans Sans jamais rien lâcher, le documentaire consacré à l’OM, il louait « un top joueur ». Encore mieux ? Il a « du bêton armé » dans la tête. Vous en avez assez ? Le président Pablo Longoria y va lui aussi : « C’est le meilleur homme que j’ai eu dans un vestiaire dans toute ma carrière ! » Au moins.
« La meilleure chose était de rester. C’était une vraie volonté de ma part », racontait, grandiloquent, le joueur dans La Provence. Titulaire indiscutable la saison dernière, il devait être un pion essentiel de l’acte II de De Zerbi, après un été calme. Trop calme. Dix jours après cette interview, les versions s’affrontent dans L’Équipe et L’After Foot, où l’avocat du clan Rabiot était invité ce mardi soir. D’un côté, on parle d’une négociation salariale mal passée, de l’autre on affirme que l’explosion fut immédiate après Rennes.
Mémoire d’Adrien
Reste que cette situation ubuesque est une de plus dans la carrière du Duc, 30 ans cette année. Dans son adolescence déjà, il part puis revient d’Angleterre après six mois à Manchester (voir So Foot n°163, publié en février 2019). Idem plus tard au PSG, où il va pour la première fois au bras de fer en 2014. À l’époque, le jeune Adrien en pince même pour la Roma. Cinq ans plus tard, sa maman Véronique fait savoir qu’il allait quitter le PSG. « Cette situation est irrespectueuse, à la fois pour le club et pour les fans », avait ensuite sorti Antero Henrique. Six ans et une bataille judiciaire plus tard, ses contrats ont été requalifiés en CDI. Entre-temps, le Duc avait refusé la place de réserviste de l’équipe de France, épisode éclipsé par la victoire au Mondial 2018. Et puis en Italie. Après quatre saisons à la Juve, Rabiot prolongera d’une saison et finira par partir libre du club, pour se retrouver sans équipe à la fin du dernier mercato d’été. Jusqu’à arriver à Marseille seulement mi-septembre.
Son aventure olympienne est connue. Rabiot devient un cadre, fait oublier son passé parisien en rappelant qu’ado, il en pinçait plus pour l’OM (toujours dans le So Foot 163). Il récupère même le brassard un soir de Classique au Parc des Princes, et alors que Leonardo Balerdi et Valentin Rongier sont titulaires. Comme une bonne engueulade de couple, les déclarations d’amour de l’année sont aux oubliettes.
Cette situation résume le grand-guignolesque de Marseille. En une semaine, l’été est passé de stable à complètement intenable. Le fameux « contexte » a rattrapé tout le reste, comme si Roberto De Zerbi (après Auxerre, entre autres), Medhi Benatia (contre les arbitres), et Pablo Longoria (contre la corruption), entretenaient l’ADN marseillais et cette tension permanente, ces étincelles. Reste à trouver une porte de sortie à Adrien Rabiot, et cette situation n’est pas vendeuse. Le Golfe est là, Manchester United aussi, l’AC Milan aussi. L’histoire continue.
«On a l’impression d’une histoire montée»: l’avocat de Rabiot dénonce la décision de l’OM