À Nancy, près de 3 000 jeunes de 6 à 13 ans perdent l’aide de 50 euros du Pass’Sport. Une décision qui inquiète familles, clubs et élus, confrontés à un risque de renoncement massif à la pratique sportive.
À Nancy, la suppression du Pass’Sport pour les 6-13 ans inquiète élus et associations. Près de 3 000 jeunes sont concernés, et avec eux leurs familles et les clubs sportifs locaux. Pour Serge Raineri, adjoint au maire délégué au sport, c’est une « catastrophe » aux conséquences sociales et éducatives profondes.
Des propos recueillis par Léa Canet
Une aide de 50 euros qui disparaît
Jusqu’ici, le Pass’Sport permettait aux familles d’économiser 50 euros sur l’inscription de leur enfant. À cette somme pouvait s’ajouter une aide du département, allant jusqu’à 150 euros. Désormais, seuls les 14-17 ans en bénéficieront.
Le risque est clair. Certaines familles pourraient abandonner la pratique sportive en club, faute de moyens. « On craint que certains parents considèrent que le sport à l’école suffira. Mais le sport en club, c’est bien plus qu’une activité physique : c’est du lien social, du vivre-ensemble. »
Dans certains quartiers, l’impact pourrait être particulièrement lourd. Un club amateur de football évoque déjà ses 170 licences concernées, soit 8 500 euros de manque à gagner si les familles renoncent à l’inscription à cause des modifications d’accès au Pass’Sport.
Des propos recueillis par Léa Canet
Les clubs locaux étranglés
La suppression du Pass’Sport ne fragilise pas seulement les foyers. Elle met aussi en péril l’équilibre financier des clubs. Pour les petites associations, qui vivent de cotisations et de subventions, la perte est directe.
« Quand un parent payait 50 euros l’an dernier et qu’on lui demande 100 euros aujourd’hui, il croit que le club a doublé ses tarifs. Or, ce n’est pas vrai. Ce sont les aides de l’État qui ont disparu » , insiste l’adjoint.
À cela s’ajoutent des frais en hausse : fédérations qui augmentent leurs licences, subventions promises mais gelées, plan « 5 000 terrains » suspendu… Les marges de manœuvre se réduisent partout.
Les exploits des champions français offrent une belle image du sport national, mais pour Serge Raineri, le contraste est saisissant : « On a une vitrine brillante, mais le meuble est bancal. Depuis 2017, on nous promettait l’héritage des Jeux olympiques. Aujourd’hui, on enlève 300 millions d’euros au budget du sport et on gèle les projets d’équipements. »
Avec seulement 0,18 % du budget national consacré au sport, la France se met en contradiction avec son ambition affichée.
Un an après Paris 2024, les responsables politiques et les associations sportives constatent avec regret les multiples retours sur les promesses faites pendant les Jeux olympiques.
Les petits clubs en première ligne
Le soutien du secteur privé, souvent évoqué comme solution, ne suffit pas. « Les sponsors s’intéressent aux clubs pros ou aux champions, pas aux petites associations de quartier. Pour elles, c’est peanuts » , déplore l’adjoint.
Or, ce sont ces clubs locaux qui jouent un rôle clé dans l’accès au sport pour tous. Leur fragilisation met en danger l’égalité des chances et le développement de la pratique sportive dès l’enfance.
Des propos recueillis par Léa Canet
Un appel à mobilisation
Au-delà de Nancy, Serge Raineri regrette la passivité du mouvement sportif. « Quand la culture est attaquée, il y a une levée de boucliers. Dans le sport, on ne pèse pas assez. Pourtant, 16 millions de Français pratiquent une activité sportive. On devrait pouvoir se faire entendre. »
Le football est le sport le plus pratiqué en France, avec plus de deux millions de licenciés
À l’échelle locale, la Ville tente d’amortir le choc avec un « Pass Famille » , destiné aux foyers les plus précaires. Mais ce dispositif reste limité. « On ne peut pas toujours remplacer l’État. Nos budgets ne sont pas extensibles.«
Pour l’adjoint au maire, cette décision illustre une trahison de la promesse olympique : « Cela fait sept ans qu’on nous répète que tout va changer grâce aux Jeux. Mais tout change en pire. On attaque la pratique sportive dans ses valeurs. C’est une grave erreur et un grave danger. »
Comprendre que les clubs n’y sont pour rien
Avant tout, l’élu veut envoyer un message clair aux familles : « Les clubs n’ont pas décidé d’augmenter leurs tarifs. Si les licences coûtent 50 euros de plus, c’est uniquement parce que l’État a supprimé son aide. Les clubs font déjà le maximum pour rester accessibles. »
Un point crucial pour éviter tensions et incompréhensions entre associations et adhérents.
De nombreux champions olympiques comme Teddy Riner ou Florent Manaudou ont pris la parole pour dénoncer les coupes dans le budget du sport
La suppression du Pass’Sport pour les 6-13 ans dépasse la seule question budgétaire. Elle menace l’accès au sport pour tous, fragilise les clubs locaux et met en péril les valeurs sociales attachées à la pratique sportive.
À Nancy, près de 3 000 enfants et des dizaines d’associations sont concernés. Et, plus largement, c’est tout le mouvement sportif français qui pourrait se retrouver, à terme, sur un socle fragilisé.
Léa CANET