Le 21 juillet, le tribunal judiciaire de Strasbourg a prononcé la liquidation de la société Chicmedias, fondée en 2008 par Bruno Chibane. Cette société éditait Zut , un “city magazine” associant « la gratuité au haut de gamme », proposant des chroniques, interviews, portraits, mode et shopping, Novo , un bimestriel culturel, également gratuit, ainsi que des hors-séries sur le Racing Club de Strasbourg (annuels depuis 2020) comme sur l’artisanat local, des livres d’art, des disques… Chicmedias mettait aussi son savoir-faire au service d’institutions culturelles, de collectivités et d’événements.

Une victime du Covid-19

Éditeur indépendant, « passionné », Bruno Chibane a toujours dû courir après les annonceurs. « Ça a toujours été compliqué », souligne-t-il, au moment de vider la petite boutique de la rue Sainte-Hélène, qu’il projetait de transformer en café-librairie. La pandémie de Covid-19 a marqué le début d’une « lente et longue agonie ». Nombre de commerçants ont abandonné la presse papier pour le digital, portant un coup fatal aux revenus de Chicmedias. Avec la forte augmentation du prix du papier, les charges explosent, les dettes s’accumulent.

Bruno Chibane comprend qu’il doit s’adosser à un partenaire disposant d’une plus grande envergure financière : il multiplie les contacts, en vain. Les appels au soutien des lecteurs et la solidarité de quelques clients et particuliers n’ont pas suffi. En juin dernier, l’éditeur constate qu’il est dans l’incapacité de payer les imprimeurs et les collaborateurs pour les numéros d’été. L’entreprise comptait encore quatre salariés (contre six en 2020) et recourait à plus d’une quinzaine de collaborateurs indépendants, graphistes, photographes, journalistes, illustrateurs…

Bruno Chibane s’est lancé dans le métier en autodidacte, en créant la revue de cinéphiles Limelight , au début des années 1990. Soixante numéros furent publiés jusqu’en 1997, d’abord sous statut associatif, puis par les éditions Cinéfils, première entreprise fondée par le jeune admirateur de Serge Daney. La qualité graphique et le positionnement pointu des contenus marquèrent l’époque et le microcosme culturel strasbourgeois. Il y eut ensuite l’aventure de la presse gratuite, avec l’hebdomadaire Repères , Polystyrène (en 1997, devenu Poly ), un premier dépôt de bilan en 1998, la vente de la société, une phase de salariat… puis la création de Chicmedias.

35 ans d’aventures éditoriales

À 58 ans, après 35 ans d’aventures éditoriales, Bruno Chibane ne jette pas l’éponge définitivement. Le magazine Novo va perdurer sous la houlette de son ami mulhousien Philippe Schweyer, des éditions Médiapop, qui en était jusqu’à présent coéditeur. S’il se dit « vacciné de l’entreprise », le Strasbourgeois reste associé dans Médiapop, dont il va devenir un collaborateur non-salarié. D’ici la fin de l’année, il prévoit de boucler un hors-série sur l’artisanat local et un sixième hors-série sur le Racing, qui seront donc édités à Mulhouse. Il conserve la marque Zut , qui pourrait être relancée en 2026. En attendant, le “ZUTalk”, un talk-show diffusé sur YouTube depuis mars, devrait se poursuivre, pour tenter de toucher de nouveaux publics.