Depuis des décennies, la ferme du Breil, à Melesse (35), vit au rythme de l’agriculture biologique. Les éleveurs sortants ont cherché à transmettre, des projets n’ont pas abouti. Un collectif de fermes bio du territoire s’est positionné, avec la perspective de trois installations, soutenu par des élus du Val-d’Ille d’Aubigné et du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine et, dans le portage, par un éleveur bio.

« Un comité technique de la Safer Bretagne y avait donné un avis favorable le 6 mars et puis le 4 avril, après un recours, une majorité de votants décide d’accorder une vingtaine des 47 hectares à un éleveur conventionnel voisin. Pour nous, c’est rompre avec le principe du schéma directeur régional des exploitations agricoles, qui prévoit que des terres en bio doivent, en priorité, rester en bio », regrette Mickaël Romé, qui siège à la Safer Bretagne pour la Confédération paysanne.

La crainte que cet avis consultatif soit converti en feu vert des services de l’État est telle qu’outre le syndicat, les réseaux Agrobio, Civam, Terre de liens et la Ligue de protection des oiseaux montent au créneau. « Ce serait un très mauvais signal. On a besoin de plus de terres en bio pour contribuer à la qualité de l’eau, de l’air, pour une alimentation locale saine et préserver la biodiversité », signifie Arnaud Daligault, vice-président d’Agrobio 35.

« C’est dossier complexe mais isolé »

« C’est un dossier complexe mais isolé, qui ne reflète pas l’action de la Safer Bretagne : en 2024, nous avons permis le passage de 720 ha de terres conventionnelles en bio alors que seuls 137 ha sont allés de la bio au conventionnel », réagit son directeur général Thierry Couteller. Interrogé sur une potentielle entorse au principe que des terres en bio restent prioritairement en bio, le dirigeant de la Safer estime que « la priorité numéro un du schéma directeur, c’est l’installation des jeunes ». « C’est ce qui se passe ici, certes en conventionnel mais c’est une opportunité de cohérence du parcellaire avec son père, un éleveur voisin, avec lequel le jeune s’associe. Cette proximité, la perspective de vaches pâturantes, c’est bon pour le bilan carbone », argue-t-il.

Les autres repreneurs potentiels redoutent, au contraire, que les vingt hectares rattachés au bâti n’accueillent des cultures traitées, vouées à l’alimentation animale, comme le maïs, qui rende « une cohabitation intenable », par exemple, avec une culture de fruits rouges en bio.

Plus de fermes mais moins de terres en bio

Pour être symbolique, cette éventuelle atteinte à l’intégrité biologique de la ferme du Breil n’est pas anodine. Après avoir conquis près de 40 000 hectares de terres en cinq ans, jusqu’en 2022, les surfaces en agriculture biologique marquent le pas.

En 2023, 2 250 hectares sont repassés en conventionnel et la part des surfaces en cours de conversion a baissé d’un quart pour se limiter à 14 335 ha sur un total de 165 526 ha terres en bio (-1,3% par rapport à 2022). Ces tendances se confirmeraient en 2024, même si le nombre de fermes bio augmente pour atteindre 4 217 exploitations début 2025 : 92 de plus en un an. Mais, ces fermes maraîchères, végétales, arboricoles se révèlent plus petites.

L’agriculture biologique, qui attire 40 % des nouveaux installés en Bretagne, tient donc la route même si un autre indicateur nuance le tableau : « Jusqu’en 2020, lors de transmissions de fermes, seul un hectare de terres bio sur trente retournait en conventionnel. En 2023, on était à un sur trois », signale Sébastien Julliard, de la Fédération régionale de l’agriculture biologique.