Par

Emilien Jacques

Publié le

20 août 2025 à 7h22

Le 27 juin 2023, le jeune Nahel, 17 ans, est abattu par un policier lors d’un refus d’obtempérer à Nanterre (Hauts-de-Seine). Dans les jours qui suivent cet événement filmé par un témoin et dont les images font rapidement le tour des réseaux sociaux, des émeutes éclatent dans toute la France.

Jusqu’à Bihorel, près de Rouen, où, dans la nuit du 29 au 30 juin, un incendie se déclare dans le tabac-presse de Sandrine et Gilles Michel, la Civette Kennedy. Les flammes détruisent tout, et la vie du couple bascule.

En une nuit, tout est perdu

C’est aux alentours de 2 heures du matin, le vendredi 30 juin, que les Michel sont réveillés à leur domicile de Maromme. Leur système d’alarme les informe d’un incendie dans leur civette du centre commercial Kennedy, à Bihorel.

Des jeunes émeutiers ont fait irruption dans les locaux voisins : « Ils ont jeté un cocktail molotov dans le bar à côté, il y avait du gaz, ça a explosé et ça a pris feu », raconte Sandrine Michel.

Sur les caméras de surveillance, ils assistent en direct, avec effroi et impuissance, à la scène : « On a regardé brûler, on avait que nos yeux pour pleurer », poursuit Gilles Michel, qu’on sent encore marqué par les images. Cette nuit-là, il ne se rendra pas sur place « pour ne pas faire de connerie » en cas de face à face avec les incendiaires. Les pompiers sont appelés vers 2 heures, ils n’arriveront qu’au petit matin.

Le cauchemar commence

Le jour levé et les flammes éteintes, vient l’heure du bilan. Les dégâts sont colossaux, les Michel ont tout perdu. Le bâtiment a entièrement été détruit par les flammes, « il ne restait plus rien », rapporte la gérante.

À l’intérieur, 180 000 euros de marchandises sont partis en fumée. Le couple n’a plus aucune rentrée d’argent possible, et les dettes s’accumulent. « On a continué à payer les loyers, les charges, les crédits, les assurances… On n’a pas eu le temps de se retourner », dit Sandrine Michel, qui se souvient avoir reçu un courrier de relance des impôts à peine quelques jours après le drame. « On est dégoûtés du système », souffle-t-elle. Il y a bien l’assurance pertes d’exploitation, mais celle-ci n’est versée qu’après la réouverture du commerce.

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La Civette Kennedy de Sandrine et Gilles Michel avait été complètement détruite, ravagée par les flammes en juin 2023.
La Civette Kennedy de Sandrine et Gilles Michel avait été complètement détruite, ravagée par les flammes en juin 2023. ©Photo transmise

Grâce à la clémence de certains fournisseurs, ils parviennent à garder un petit capital pour vivre et maintenir tant bien que mal la tête hors de l’eau. « Ça a été un cauchemar », se rappelle Gilles Michel, encore très affecté. Le couple est sous antidépresseurs, épuisé moralement, mais n’a jamais abandonné l’objectif de rouvrir le commerce au plus vite.

Des soutiens de toute part

À la suite du drame, les deux commerçants affirment avoir été abandonnés par l’État, mais pas au niveau local. Les travaux de reconstruction de la Civette Kennedy ont bénéficié du soutien de plusieurs acteurs : le préfet, qui, « dès qu’il y avait un souci était là pour trouver une solution », la mairie, « qui nous a super bien suivis », leurs fournisseurs, leur comptable… « Tout le monde était derrière nous », salue Gilles Michel.

Ce dernier évoque également un heureux événement survenu lors de cette période de « montagnes russes émotionnelles ». Il relate avec un grand sourire : « On est devenu grands-parents, ça nous a donné envie de ne pas lâcher prise, ça nous a permis de tenir pendant deux ans ».

Mais comme rien ne devait être simple, le couple a dû avoir recours à un avocat pour faire accélérer les travaux. Ceux-ci n’ont débuté qu’en avril dernier, avec plusieurs mois de retard sur ce qui avait été annoncé par la copropriété du centre commercial. Mais qu’importe, le moment tant attendu est arrivé, la Civette Kennedy a rouvert ses portes.

Un nouveau départ

C’est non sans émotions que Sandrine et Gilles Michel ont accueilli leurs premiers clients le matin du lundi 18 août. Une clientèle fidèle, qui avait déjà témoigné de son soutien durant les travaux et qui était au rendez-vous pour la réouverture. « C’est une belle clientèle, qui nous a aussi motivés à rouvrir », reconnaît Gilles Michel. Malgré tout, il s’attend à une baisse de chiffre d’affaires d’environ 20 %. « Deux ans d’absence c’est long pour un commerce », sait l’expérimenté gérant.

Cependant, ils sont rassurés que les autres commerces du centre soient toujours là. « Sans le boucher et le boulanger, le centre commercial aurait sombré, il aurait fermé », pense Sandrine Michel, qui a appris la volonté de la mairie d’installer un marché pour redynamiser la place.

On est soulagés, mais on est fatigués.

Sandrine Michel

À l’intérieur de la Civette Kennedy, un réagencement total et une toute nouvelle décoration, belle et moderne, ont été apportés. Le PMU est la grande nouveauté, à laquelle s’ajoute un élargissement de la gamme des cigarettes électroniques. Autres services : paiement d’amendes et de péages, achat et rechargement de la carte Astuce, photocopie, timbres-poste.

Aujourd’hui, Sandrine et Gilles Michel ont le sourire, mais il est marqué par des mois d’épreuves et de combats. « On est soulagés, mais on est fatigués », concède la patronne. Mais maintenant, elle s’autorise à le dire : « On voit le bout du tunnel. »

Les époux se disent heureux de reprendre une vie normale, « une vie saine ». Une nouvelle vie même, selon Gilles Michel : « On n’a plus rien, on recommence à zéro. »

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