À travers quarante ans d’archives et tirages récents, de l’analogique à l’ère numérique, de nos vies minuscules à l’histoire majeure, Wolfgang Tillmans installe, en direct de la Bibliothèque publique d’information du Centre Pompidou, sa monographie réactive. En continuité de l’exposition, le photographe, passionné de la page imprimée, ancre sa vision dans un ouvrage inédit.

“J’ai toujours eu foi dans les livres, parce qu’à moins de détruire jusqu’au dernier tous les exemplaires d’un tirage, ils créent une réalité physique qui ne peut être effacée. Ils sont là pour témoigner de ce qui a été possible, de ce qui a été pensé et dit – et de ce qu’il a été possible de dire.” C’est en ces termes que Wolfgang Tillmans confie son rapport intime au papier, dans l’échange avec Renzo Piano à retrouver dans le catalogue de son exposition toujours en cours au Centre Pompidou. Des mots qui, à eux seuls, expliquent que le parcours Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait, se matérialise aujourd’hui dans un ouvrage, vecteur de mémoire, de connaissance, d’émotion. Une affaire de transmission, en écho à la mission de la Bpi, écrin de l’accrochage.

Vue de l'exposition “Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait” de Wolfgang Tillmans, au Centre Pompidou jusqu'au 22 septembre 2025.© Wolfgang Tillmans, Jens ZieheVue de l’exposition “Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait” de Wolfgang Tillmans, au Centre Pompidou jusqu’au 22 septembre 2025.

Pour immortaliser sa carte blanche, le photographe l’a documentée, dès son inauguration. Noir sur blanc et en couleur, 272 pages pour 380 illustrations… Ses prises de vues capturent son lien avec le lieu, une appropriation d’espace “de la moquette d’une bibliothèque à son tissu social” expliquée par Florian Ebner dans l’ouvrage. Entre images et narration, ce catalogue devient une œuvre sensorielle à part, un document d’archive désormais disponible en librairie.

Les derniers jours à Beaubourg

Jusqu’au 22 septembre, le parcours Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait de Wolfgang Tillmans s’étend en 3 000 œuvres, minutieusement réparties dans les 6 000 mètres carrés de la Bpi. Après ça, le Centre Pompidou fermera ses portes pour une durée de cinq ans. C’est notamment en vue des travaux que la bibliothèque a été vidée et a pu ainsi accueillir, temporairement, les images de Wolfgang Tillmans.

Vue de l'exposition “Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait” de Wolfgang Tillmans, au Centre Pompidou jusqu'au 22 septembre 2025.© Wolfgang Tillmans, Jens ZieheVue de l’exposition “Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait” de Wolfgang Tillmans, au Centre Pompidou jusqu’au 22 septembre 2025.

Une affaire de circonstances, comme celles qui offrent depuis une quarantaine d’années au photographe ses sujets spontanés, souvent obtenus d’une suite d’imprévus. On pense au tirage Army (Moscow 2005), — numéroté 7 dans le module A – L’histoire au présent de l’exposition — qui capture une brigade de soldats russes commémorant le soixantième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Au moment où la photo est prise, les soldats se cachent derrière leurs boucliers. Au fil de ses passages à la photocopieuse, ces mêmes boucliers s’effacent à l’image et perdent, symboliquement, de leur protection. Sur la pellicule de Wolfgang Tillmans, raconter des fragments d’histoire moderne, visibles et invisibles, c’est entretenir une mémoire collective.

Le catalogue de l'exposition “Wolfgang Tillmans Rien ne nous y préparait - Tout nous y préparait”, sous la direction de Florian Ebner et Olga Frydryszak-Rétat, disponible en librairie.© Wolfgang Tillmans, Editions Centre PompidouLe catalogue de l’exposition “Wolfgang Tillmans Rien ne nous y préparait – Tout nous y préparait”, sous la direction de Florian Ebner et Olga Frydryszak-Rétat, disponible en librairie.