Une barque en contre-jour ainsi que son équipage, le regard tourné vers les tours de La Rochelle plongées dans la brume. L’image fantasmagorique, prise un matin de janvier 1963, n’a pas échappé à l’œil de Jean Gaillard, qui s’est empressé de la saisir avec son indissociable appareil bi-objectif Rolleiflex 6×6.
Photographe au journal « Sud Ouest » de 1954 à 1987, il fut le premier témoin de l’actualité locale mais aussi d’innombrables scènes de la vie quotidienne. Un patrimoine iconographique inestimable dont le Musée maritime de La Rochelle a fait une exposition, en sélectionnant une infime partie du fonds Gaillard montrant les quais de la ville, de l’encan à la Pallice en passant par le Vieux Port.
Les tours de La Rochelle plongées dans la brume, le cliché qui a inspiré l’affiche de l’exposition.
Jean Gaillard
« Quand on a mis le nez dans les 125 000 négatifs conservés à la médiathèque Michel-Crépeau, on s’est rendu compte de la richesse exceptionnelle de ce fonds, témoigne Joffrey Martin, en charge de la communication et de la médiation culturelle au Musée maritime. Cécile Raquidel, responsable des collections, a pu voir des séries entières de pellicules de 12 photos, dont on ne connaît parfois qu’une photo. Le plus dur a été de s’arrêter de chercher, c’est inépuisable ! »
Décors en noir et blanc
De cette plongée dans les archives de Jean Gaillard, 45 clichés ont été remontés au grand jour. Présentés suivant trois thématiques (la pêche, la plaisance, la vie portuaire), ils démontrent un sens naturel de l’esthétisme photographique, une maîtrise parfaite des lumières et des contrastes mais aussi, ce que le Rochelais recherchait par-dessous tout, un « regard humaniste à la Robert Doisneau », comme le décrit Joffrey Martin.
Joffrey Martin, chargé de la communication et de la médiation culturelle au Musée maritime de La Rochelle.
Frédéric Zabalza / SO
L’exposition ravive le souvenir des métiers d’autrefois dans des décors en noir et blanc : le ramendage de filets de pêche à bord du « Général-Leclerc », le tri des poissons à l’encan, le carénage de navires sur le slipway, ce plan incliné construit par les Allemands en 1942. Le débarquement des premiers pétoncles de la saison, en 1961 par le « Comme-tu-veux » est un événement qui attire les badauds, comme les étals des sardiniers au pied de la tour de la Chaîne, où les apprentis de l’école de pêche de Port-Neuf en formation à bord de « Annie ».
Tout un monde englouti dans les profondeurs du temps reparaît sous les yeux des visiteurs, celui des scaphandriers de l’Union des remorqueurs de l’Océan, de l’équipage de la Société centrale de sauvetage des naufragés, du chalutier « Manuel-Joël » de retour au port. Classé comme ce dernier aux Monuments historiques, le remorqueur « Saint-Gilles » arrive à La Rochelle en septembre 1958 en remplacement du vieux « Bassens ». Jean Gaillard est au rendez-vous, bien sûr, comme lors de l’échouage du « Nano », un cargo espagnol, à Sablanceaux en 1963, où lors de l’entrée du « France II » en 1959 après un « coup de tabac », le jumeau du « France I » ouvert aujourd’hui aux visiteurs.
Un voilier sous spi et sous les regards.
Jean Gaillard