Quand un golfeur rate un coup roulé facile qu’il était certain de réussir, son cerveau réagit avec autant d’intensité que s’il avait reçu un texto indiquant qu’un de ses proches était impliqué dans un accident d’auto.

Et là, je ne parle pas d’un pro à Augusta sur un putt qui vaut 8 millions $. Je parle de vous, moi et Jean-Maurice, le golfeur occasionnel, en bermuda un dimanche, après avoir raté un coup roulé de deux pieds et demi. Chers golfeurs, disons que ça ne nous fait pas paraître très brillants.

Or, cette réaction disproportionnée a été prouvée scientifiquement. Elle sort des recherches d’Izzy Justice, un neuroscientifique américain du sport qui est en train de bousculer beaucoup de choses dans le monde du golf.

Justice n’est pas un professeur Tournesol: il passe son temps sur le terrain, avec des joueurs qui ont des capteurs sur la tête, pour mesurer comment leur cerveau réagit pendant le jeu.

Izzy Justice

Tirée du site internet Gyra Golf

Le maudit Tweddell trop fort

Je ne le connaissais pas. C’est un joueur de golf avec qui j’ai joué qui m’en a parlé. Il s’agit de David Tweddell. C’est le pro du formidable Club de golf du Lac Saint-Joseph, près de Québec.

Sérieux, ça prend beaucoup d’humilité quand tu joues avec lui. Il a 26 ans. Il est tout gentil et pince-sans-rire. Son prochain objectif, c’est de rejoindre le Korn Ferry Tour, soit l’antichambre de la PGA. Il ne voudra pas le dire, mais c’est un des 10 meilleurs Québécois, peut-être même des cinq, présentement, dans le golf. Je vous jure, je ne peux pas comprendre comment un golfeur peut être meilleur que ça. Et il est 4046e au monde. C’est fou.

Ceux qui jouent un peu, lisez ça. Il est à 240 verges. Il sort un fer. Il s’élance bien tranquillement comme si c’était un pitching wedge. Et boum, sa balle tombe à côté du fanion. Après trois trous, j’étais à égalité avec lui. Je lui ai lancé: «Checke-toi bien, le jeune!»

Après neuf, je lui ai dit: «Hey, David, tu as joué quoi, 36 sur le premier neuf?» Tout poli, il m’a répondu: «Non, 33.» Il m’a finalement battu par 20 coups et j’ai joué en bas de 90. J’en ai parlé à ma blonde après le match. Elle m’a demandé si David m’avait félicité durant le match pour certains coups. Je lui ai demandé et il a répondu: «Oui, souvent!» Ma semaine était faite.

Bref, je m’écarte. Vous vous doutez que je lui ai posé 1000 questions sur le golf professionnel. Et ce qu’il y avait le plus fascinant, c’est justement le mental. Il me disait à quel point, quand il arrivait dans un tournoi, il trouvait que tout le monde était bon. Que ça se jouait surtout entre les deux oreilles.

Lui-même est un maniaque de tout ça pour s’améliorer. Il y croit beaucoup. Et c’est là qu’il m’a parlé d’Izzy Justice.

Les golfeurs et l’émotion

Justice a mis en lumière un truc que tout golfeur connaît, mais que personne ne semblait avoir mesuré avec autant de précision: l’impact émotionnel sur les golfeurs.

Il utilise des casques spéciaux pour capter l’activité cérébrale des joueurs, amateurs comme pros. Résultat: quand on rate un coup «facile», notre cerveau bascule dans une zone de stress intense, comparable à celle déclenchée par une mauvaise nouvelle dans notre vie personnelle.

FILES-GOLF-USPGA-WOODS-OLY-2016-OPEN

Photo d’archives, AFP

Sans tomber dans les détails que je ne comprends pas moi-même, c’est notre système limbique (la partie primitive et émotionnelle de notre cerveau) qui prend le dessus.

Et là, la chaîne débarque. Car une autre partie du cerveau qui gère la réflexion et la prise de décision se met un peu en veilleuse. Conclusion: on devient beaucoup moins brillant, et surtout difficilement en mesure de relativiser, de se calmer et de réaliser qu’on est en train de l’échapper.

C’est pourquoi, au golf, lorsque la chaîne débarque, elle va souvent débarquer en batinse. Notre cerveau nous plonge dans une cascade de mauvaises décisions, de mauvaises techniques et de mauvais contrôle.

Il y a de maudites bonnes chances qu’après un coup horrible, plusieurs autres suivront.

Et attention. Ce n’est pas parce que ça vous arrive que vous n’avez pas une bonne dureté du mental, comme disait Bob (Marc Messier) dans Les Boys. Ça arrive à tout le monde, sauf aux robots. C’est juste que les meilleurs sont ceux qui sont capables de revenir plus vite à un état plus stable.

La clé, c’est de réduire le temps entre le moment où on perd nos moyens et celui où on retrouve notre lucidité.

Chez un amateur moyen, ce temps peut durer plusieurs trous. Dans la PGA, chez les meilleurs, il peut durer quelques secondes.

1986672SO107_Western_Open

Photo d’archives, AFP

Garder les yeux sur la balle

Beaucoup de golfeurs sont persuadés que leurs mauvais coups viennent d’un mauvais geste technique. Ou que c’est parce qu’ils «n’ont pas gardé les yeux sur la balle». Ça, c’est l’excuse préférée de tous les golfeurs de plus de 50 ans. Je ne suis plus capable de l’entendre.

Peut-être que vous croyez que techniquement, vous pouvez vous améliorer grandement. Mais après 40 ans, si votre swing est mauvais, il y a de bonnes chances qu’il reste mauvais malgré tous les cours de golf possibles.

Et votre pointage s’améliorera peut-être davantage en vous attaquant à votre état mental, selon ce que démontre le neuroscientifique. Car c’est souvent notre état mental qui sabote le reste de notre partie. Les amateurs, on n’a pas de caddie. Notre caddie, c’est notre cerveau. Et à la lumière de ce qu’Izzy Justice a découvert, notre cerveau peut être le pire des caddies.

Vous pouvez changer votre putter, vos balles et la hauteur de votre tee… mais peut-être que la solution se trouve surtout entre vos deux oreilles? Et tout ça ne s’applique pas seulement pour le golf, selon Izzy Justice.

Les trucs pour être meilleur

C’est bien beau travailler son mental. Mais en écrivant cette chronique, je me disais moi-même que ça pouvait être vague. J’ai donc fouillé à savoir quelles sont les meilleures façons d’y arriver, c’est-à-dire de limiter le temps entre le moment où l’on perd la raison et celui où l’on reprend le contrôle.

La respiration

Je peinais à croire que ça pouvait vraiment aider. Mais c’est prouvé et la science est claire là-dessus. Le fait d’inspirer et expirer lentement joue un rôle dans le cerveau. Ça permet notamment à notre partie du cerveau qui panique à donner plus de place à notre partie du cerveau qui raisonne.

La routine

C’est unanime. Peu importe le coup, l’enjeu ou la frustration, appliquer exactement la même routine améliorera grandement vos chances de réussite.

Se fixer un objectif

Penser à plein d’affaires au sujet de sa technique en frappant, ça donnera une balle dans le bois. Mais penser à un élément, ça peut aider. Il ne faut pas penser au résultat. Mais à un geste technique simple. Ça peut aider beaucoup.

Se réinitialiser

Après un mauvais coup, le cerveau a beaucoup de misère à tourner la page. C’est au golfeur de trouver un geste clé qui permet au cerveau de comprendre qu’il s’agit d’un nouveau départ. Ça peut avoir l’air très niaiseux et ça peut se matérialiser bien différemment d’une personne à l’autre. Ça peut être de changer son petit gant, de chercher des oiseaux ou de prédire les trios du Canadien la saison prochaine. C’est bizarre, mais ç’a l’air que ça marche très bien.

La carte mentale

En plus d’indiquer le nombre de coups après chaque coup, Izzy Justice demande à certains joueurs d’inscrire leur niveau de frustration avant chaque trou. Ainsi, si je suis en maudit à 8 sur 10, je pourrai constater quel sera mon résultat à un trou par rapport à un autre où je le serai à 0 sur 10. Selon les recherches de Justice, plusieurs joueurs ont grandement amélioré leur golf avec cette technique. Je suis un peu dubitatif. Je vais devoir l’essayer.