Il est à la tête du deuxième plus gros département pour les pompiers. Le contrôleur général Marc Vermeulen n’a pas connu de vacances en ce mois d’août. Le directeur du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de la Gironde fait le point sur les feux de forêts très nombreux cet été.

La première quinzaine d’août a été marquée par de nombreux incendies. Vous confirmez ce sentiment ?

Oui, c’est la première fois depuis 2022 [il fait référence aux méga feux d’il y a trois ans, NDLR] que la Gironde a connu des conditions à haut risque d’incendie. On a connu un pic d’activité la semaine du 11 août, avec 60 feux en sept jours.

La nuit du 12 au 13 août, des orages secs ont éclaté, créant des feux a posteriori. C’est quelque chose de dangereux ?

Pour les pompiers, c’est une forme de cauchemar. Surtout quand la sécheresse et le stress hydrique de la végétation atteignent ce niveau. Avec la foudre et sans la pluie, on a des feux qui s’enterrent rapidement, couvent et éclosent plus de soixante-douze heures après. C’est d’autant plus présent avec des températures supérieures à 40 °C.

Un exemple de foudre sèche, où le feu a couvé sous la terre.

Un exemple de foudre sèche, où le feu a couvé sous la terre.

Sdis 33

Et ce phénomène a vraiment été significatif ?

Oui, puisqu’il a généré des départs de feux simultanés. On peut citer Saucats et Hostens, où de petites surfaces ont brûlé, de l’ordre de 1 à 5 hectares. Mais il y a aussi Lanton, le 13 août, où 27 hectares de pins sont partis en fumée.

Le nombre de feux de forêt est passé de 175 en 2024 à 247 à date ; et surtout, les surfaces brûlées flambent de 34 hectares l’an dernier à 120 hectares cet été.

Le nombre de feux de forêt est passé de 175 en 2024 à 247 à date ; et surtout, les surfaces brûlées flambent de 34 hectares l’an dernier à 120 hectares cet été.

Sdis 33

Cette activité croissante a un impact sur l’usure des matériels ?

On est en cours de renouvellement des matériels. Cela fait suite à 2022 et à l’effort de l’État et du Conseil départemental de la Gironde. Nous avons reçu 22 camions-citernes feux de forêts et 20 vont arriver avant l’année prochaine. On est sur une augmentation du parc car le matériel est effectivement soumis à rude épreuve.

Et la multiplication des feux joue aussi sur la fatigue de vos hommes ?

Ils sont forcément plus mobilisés, donc on fait un travail de recrutement des sapeurs-pompiers volontaires. Il y a aussi la mise en place d’un logiciel pour mieux planifier leurs disponibilités.

Malgré l’intensité des incendies cette année, vous avez pu envoyer des renforts dans d’autres départements ?

Oui, ça a été le cas en Charente, où 30 pompiers ont été engagés. Cela relève du travail fait au cours des dernières années pour augmenter le matériel et la capacité à mobiliser du personnel. La Gironde est le deuxième plus gros Sdis de France : on a pu compter sur des renforts en 2022, donc il est normal qu’on participe à la solidarité nationale.

La stratégie est de mettre beaucoup de moyens dès le départ du feu.

La stratégie est de mettre beaucoup de moyens dès le départ du feu.

Sdis 33

Du matériel et de l’humain, ça coûte de l’argent. Le budget suit ces augmentations ?

Après les enseignements de 2022, il y a eu un accompagnement important. On a pu compter sur le soutien sans faille de Jean-Luc Gleyze, président du Département, et sur les aides européennes. Cela nous a permis d’améliorer la vidéosurveillance, pour détecter le feu plus vite et l’attaquer tout de suite, ou encore les véhicules dont je parlais plus tôt.

Malgré la multiplication des feux en Gironde, les pompiers ont pu aider ailleurs, notamment en Charente.

Malgré la multiplication des feux en Gironde, les pompiers ont pu aider ailleurs, notamment en Charente.

Sdis 33

« Sud Ouest » a révélé la présence de plusieurs pyromanes. Ce n’est pas désespérant quand on est pompier ?

C’est une situation qui ne nous satisfait pas car cela fait prendre des risques aux sapeurs-pompiers. On travaille en étroite collaboration avec le parquet et les forces de l’ordre pour préserver les preuves matérielles en cas de départ de feu suspect. Et on appelle à la plus grande fermeté.

Il faut aussi rappeler que l’écrasante majorité des feux est d’origine humaine…

Oui, d’ailleurs on a remarqué une chose : dès que la préfecture a limité les activités dans les massifs, les départs de feu ont baissé de manière immédiate. Par ailleurs, cela peut paraître banal, mais il y a encore des incendies liés aux mégots jetés. La sensibilisation sur ce point est importante. Il faut que le message passe et que les gens prennent conscience du danger que c’est !

Les moyens aériens sont cruciaux pour maîtriser le feu.

Les moyens aériens sont cruciaux pour maîtriser le feu.

Sdis 33

Vous tenez à préciser que l’été n’est pas terminé…

Oui. Même si on a eu un peu de pluie, la saison des feux de forêt n’est pas terminée. Nous avons, depuis 2022, des indicateurs qui permettent de mesurer la sécheresse de la végétation. Le dernier relevé date du 17 août et il témoigne d’une situation de sécheresse du massif supérieure à 2022.

Justement, on sent que 2022 a véritablement été une année charnière.

Nous nous mettons désormais dans une posture de risque. Cela passe par le déploiement d’effectifs de manière préventive : des groupes d’intervention feux de forêt, que l’on appelle GIFF. On en compte jusqu’à 14 dans le massif. C’est comme si on avait 14 centres de secours supplémentaires prêts en cas de départ, en plus des 350 pompiers de la Gironde. On a besoin d’intervenir plus rapidement.

Au total, 42 nouveaux camions feux de forêt vont être reçus d’ici 2026.

Au total, 42 nouveaux camions feux de forêt vont être reçus d’ici 2026.

Sdis 33

Vous appelez ça la « doctrine 2022 » ?

Après trois mois de feux hors norme, on a rapidement dit qu’un nouveau contrat opérationnel s’impose à nous. Notre approche est de conserver les fondamentaux : la technicité, la manière d’attaquer le feu dans le massif… Mais on travaille sur la détection (plus rapide) et les moyens dédiés dans le massif. Nous avons désormais un ou deux Dash dédiés à la détection du feu, pour avoir une attaque directe.

La présence de plusieurs pyromanes inquiète les pompiers.

La présence de plusieurs pyromanes inquiète les pompiers.

Sdis 33

Les autorités s’attendent à un nouvel accroissement des feux de forêt…

La littérature fait état que les feux comme ceux de 2022 risquent de se reproduire tous les dix ans. Le combustible [la forêt en état de sécheresse, NDLR] va être de plus en plus disponible. Il faudra être vigilant sur le risque d’éclosion des incendies. Il y a par exemple des partenariats à nouer avec les sylviculteurs pour mettre en place des dispositifs préventifs, comme le nettoyage des surfaces et la diversification des essences. Nous, on se prépare. Mais il faut rester humble. On risque d’être confrontés à des situations opérationnelles de plus en plus complexes. Par exemple avec de grands feux qui éclosent en simultané.

Le Sdis 33 est-il prêt ?

La différence par rapport à 2022, c’est que nous disposons de meilleures capacités matérielles et humaines. Mais comme tout dispositif, il y a une limite capacitaire. Par exemple, si la France connaissait plusieurs incendies estivaux en même temps. C’est pour cela qu’il existe un mécanisme européen de sécurité civile. Nous avons d’ailleurs reçu des homologues allemands cet été : eux s’aguerrissent sur nos feux et nous, on apprend à travailler avec des moyens européens.

Le Sdis a bénéficié du soutien de fonds européen, de l’État et du Conseil départemental.

Le Sdis a bénéficié du soutien de fonds européen, de l’État et du Conseil départemental.

Sdis 33