Comme le dit le proverbe, le malheur des uns fait le bonheur des autres, et la publicité sur internet pourrait bien redevenir incontournable pour des millions d’internautes européens.
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En Allemagne, la plus haute juridiction du pays a relancé une bataille judiciaire opposant depuis plus de dix ans le groupe de presse Axel Springer à Eyeo GmbH, l’éditeur d’Adblock Plus.
Derrière ce bras de fer juridique se cache une question de fond : les bloqueurs de publicités violent-ils le droit d’auteur ? La réponse pourrait avoir des répercussions bien au-delà de l’Allemagne…
Retour sur une décennie de bataille juridique entre Axel Springer et Adblock Plus
Dès 2014, Axel Springer, l’un des plus grands éditeurs de presse européens, tente de mettre fin à l’usage des bloqueurs de publicités. L’argument initial concernait le modèle économique d’Adblock Plus, et avait fait débat en 2015 lors de l’arrivée des bloqueurs de publicité sur iOS.
Concrètement, l’extension permet aux entreprises de payer pour apparaître dans une « liste blanche » de publicités jugées acceptables, un fonctionnement que le groupe de presse dénonçait comme du parasitisme. En 2018, la justice allemande avait pourtant estimé que l’outil n’empêchait pas le financement des contenus en ligne et ne constituait pas une menace juridique directe.
Une violation du droit d’auteur ?
Depuis le premier jour, l’éditeur n’a jamais cessé sa croisade, et après plusieurs revers, Axel Springer a changé de stratégie et invoqué un autre fondement légal : le droit d’auteur. Ses avocats estiment que les sites web doivent être considérés comme des logiciels protégés. Selon eux, le fait pour Adblock Plus de modifier l’affichage d’une page, en retirant des éléments publicitaires intégrés au code HTML et CSS, équivaut à altérer une oeuvre protégée.
En 2022 et 2023, la justice allemande avait rejeté cet argument, jugeant que l’extension ne faisait que « filtrer » certains éléments du côté de l’utilisateur. Mais fin juillet 2025, la Cour fédérale de justice allemande a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Hambourg, estimant que ses précédentes décisions n’étaient pas suffisamment motivées. Ce revirement donne à Axel Springer une nouvelle chance d’obtenir gain de cause…
Une décision qui pourrait dépasser les frontières allemandes
Si la justice allemande venait à statuer que les bloqueurs de publicités enfreignent le droit d’auteur, l’Allemagne deviendrait le deuxième pays au monde, après la Chine, à interdire ce type d’outil.
Une telle décision ne manquerait pas de créer un précédent juridique en Europe. Certains groupes de presse ou grandes marques pourraient alors saisir l’occasion pour tenter d’obtenir des interdictions similaires dans d’autres États membres.
Cette perspective inquiète de nombreux acteurs du numérique, dont la fondation Mozilla, qui alerte sur les risques d’une telle interprétation. Pour l’organisation, limiter les bloqueurs de publicités ne se résumerait pas à défendre les revenus des éditeurs.
En effet, cela pourrait fragiliser un ensemble d’extensions qui protègent la vie privée des internautes, renforcent la sécurité, ou améliorent l’accessibilité en ligne…