Au sein du gouvernement de Keir Starmer, un bras de fer oppose le ministère de l’Intérieur et celui de l’Education. En cause, le visa post-études, qui permet aux étudiants étrangers de rester au Royaume-Uni pendant deux ans une fois leur diplôme obtenu. “Des responsables du ministère de l’Intérieur accusent le ministère de l’Éducation d’encourager les universités à s’opposer à la réforme du visa post-études, alors que celle-ci fait partie de l’action du gouvernement pour réduire l’immigration”, rapporte le Financial Times.

Alors que le Premier ministre doit rendre public le mois prochain un Livre blanc exposant la stratégie du gouvernement pour réduire l’immigration nette au Royaume-Uni, la tension monte entre les deux ministères, explique Diana Beech, directrice du Finsbury Institute, dans le Times Higher Education. Et les étudiants étrangers risquent de faire les frais de la stratégie du Parti travailliste pour contrer la popularité du parti anti-immigration de Nigel Farage, Reform UK, avant les prochaines élections locales. Un contexte dans lequel Yvette Cooper, la ministre de l’Intérieur, peut être tentée de promouvoir des mesures simples à mettre en œuvre et à fort retentissement.

Jusqu’à présent, le Graduate visa permet aux étudiants étrangers diplômés d’une université britannique de rester deux ans dans le pays et d’y travailler. Cette autorisation s’étend même à trois ans pour les doctorants. Or le ministère de l’Intérieur proposerait de réserver à l’avenir le précieux sésame aux étudiants qui auront décroché un poste dont le niveau de salaire correspond à un niveau d’études supérieures. Soit, précise le Times Higher Education, au moins 30 000 livres [35 000 euros] par an.

Des universités au bord de la faillite

La réforme proposée “irait plus loin que les changements apportés l’année dernière par l’administration de Rishi Sunak”. L’ex-Premier ministre conservateur avait annulé la possibilité pour les étudiants en master de faire venir des membres de leur famille au Royaume-Uni, mais n’avait pas osé toucher au visa post-études, rappelle le Financial Times.

Si elle était adoptée, la réforme du Graduate visa serait certainement de nature à dissuader de nombreux étudiants étrangers de postuler dans les universités britanniques. “Avec, pour tout le secteur, de lourdes conséquences financières”, alerte Hollie Chandler, directrice des politiques au Russell Group, qui fédère les universités les plus prestigieuses.

Une nouvelle baisse du nombre d’étudiants étrangers pourrait, de fait, être catastrophique pour de nombreuses universités, certaines étant déjà au bord de la faillite, rapporte le Sunday Times. Au point qu’elles sont contraintes de faire appel à des cabinets de conseil pour tenter d’assainir leurs finances et élaborer des plans de réduction des coûts.

Certains établissements bradent une partie de leur patrimoine et “une université sur deux” projette des réductions de personnel ou de cursus, selon l’University and College Union (UCU). Ce syndicat estime que “jusqu’à 10 000 employés pourraient perdre leur travail dans l’année, 5 000 suppressions d’emplois ayant déjà été annoncées depuis septembre.”

“Une occasion en or”

Dans ces conditions, les universités britanniques devraient réserver un accueil des plus chaleureux aux étudiants internationaux qui se détournent de l’Amérique de Donald Trump, plaide dans le Guardian Jo Johnson, ex-ministre britannique des Universités et président de la commission de l’éducation de la Chambre des Lords. “Nous avons besoin de ces personnes très motivées et hautement qualifiées. Avec une population vieillissante et un taux de natalité en baisse, notre marché du travail en a besoin.”

Lors du premier mandat de Donald Trump, entre 2017 et 2021, le nombre d’étudiants internationaux inscrits dans les universités américaines avait régulièrement baissé pendant quatre ans. “En 2019-2020, on comptait 50 000 étudiants internationaux de moins aux États-Unis qu’avant la présidence de Trump”, rappelle le Guardian. “Trump pousse les étudiants à s’installer en Grande-Bretagne. Messieurs les ministres, ne laissez pas votre obsession de l’immigration nous faire manquer cette occasion en or !” lance Polly Toynbee, chroniqueuse pour le quotidien britannique.