L’administration Trump ouvre une nouvelle brèche diplomatique avec sa politique de visas pour les ressortissants africains. Au Nigeria, les candidats au précieux sésame doivent désormais subir un examen minutieux de leurs activités sur les réseaux sociaux.

Au Sénégal, les demandes de visas de certaines basketteuses qui devaient se rendre aux États-Unis pour un stage avant l’Afrobasket féminin ont été refusées. Une première, selon l’analyste politique sénégalais Papa Fara Diallo, enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger. Pour lui, la nouvelle politique d’immigration de Washington est extrêmement sévère envers les Africains et marquée par une incohérence inédite.

« Make America Great Again, certes. America First, certes. Mais d’un point de vue géopolitique, je ne vois pas les retombées positives que les États-Unis peuvent tirer en corsant les procédures d’obtention de visa, surtout pour des pays comme le Sénégal, réputé démocratique. Quasiment trois ou quatre présidents américains sont déjà venus au Sénégal. Cela montre que le Sénégal est un îlot de stabilité avec des institutions démocratiques résilientes. On ne comprend donc pas pourquoi les États-Unis ne pourraient pas, d’un point de vue géopolitique, utiliser le Sénégal pour observer toute la sous-région ouest-africaine et le Sahel », insiste Papa Fara Diallo, enseignant-chercheur à l’université Gaston Berger.

Si Dakar n’a pas pris de mesures similaires vis-à-vis des ressortissants américains, le gouvernement, par la voix de son Premier ministre, a fustigé le comportement de l’administration Trump.

Au Tchad, en revanche, les autorités avaient pris des mesures réciproques en réponse au nouveau « travel ban » imposé par Donald Trump, qui interdit l’entrée aux États-Unis aux ressortissants tchadiens. N’Djamena avait annoncé la suspension des visas pour les citoyens américains.

« Sur le plan des études, de la formation ponctuelle et des séminaires professionnels, je pense que cela a un impact négatif. Je suis l’une des victimes parce que je devais aller aux États-Unis pour une formation d’une semaine, et cela n’a pas eu lieu. Ces mesures restrictives ont un impact négatif sur les défenseurs des droits de l’homme que nous sommes, sur les étudiants et sur d’autres citoyens », regrette Nodjigoto Charbonnel, préside l’Association pour la Paix et la Non-Violence au Tchad.

Droits et libertés fondamentales

Les restrictions imposées par l’administration américaine sont également perçues comme un tour de vis contre la liberté d’expression, estiment de nombreux défenseurs des droits – ar exemple, les États-Unis exigent des candidats nigérians qu’ils détaillent leurs activités sur les réseaux sociaux au cours des cinq dernières années. En réaction, Abuja a exigé les mêmes mesures pour les Américains souhaitant se rendre au Nigeria.

De nombreux analystes africains estiment que cette politique américaine appelle à une diplomatie solidaire sur le continent. C’est ce qu’estime le consultant et expert en relations internationales Dani Ayida. Il ajoute que les pays d’Afrique doivent agir de manière solidaire, dans le cadre de l’Union africaine ou par l’entremise des organisations régionales, afin de peser politiquement et économiquement.

« Je crois qu’il serait important que des pays africains se regroupent, s’entendent et appliquent des réponses adaptées au niveau de l’Union africaine, et au niveau des ensembles régionaux comme la Cédéao. Cela doit se faire de manière solidaire et réaliste. Ainsi, je pense que Donald Trump, qui aime faire des deals, commencera à réfléchir et ne pas agir de façon aussi décalée, en espérant que tout le monde se pliera à lui et viendra le supplier », dit M. Ayida.

Ce dernier qu’un désordre s’installe si les pays africains visés par Washington appliquent unilatéralement les mesures de réciprocité. Les investissements directs américains en Afrique sont évalués à plus de 40 milliards de dollars et pourraient être freinés par la détérioration du climat diplomatique.