L’eau, incubatrice de moustique, abrite aussi sa némésis. Le guppy ou la gambusie (plutôt dans le Sud-Ouest), petit poisson d’eau douce, se délecte des larves dont celles des ennemis à trompe de l’été. Implantée mondialement, cette espèce omnivore américaine a fait ses preuves dans les zones tropicales, non sans marquer l’esprit de Mickaël Pantaleone qui fut jadis – et entre autres – cuisinier à Saint-Barthélemy.

Depuis huit ans, cet infatigable grand blond pilote un curieux jardin sur les hauteurs de Morlanne, l’un des villages emblèmes de la puissance béarnaise sous Gaston Fébus. La récente recrudescence en métropole, et particulièrement dans la région, des cas de maladies virales liées au diptère a agi comme une piqûre de rappel sur le jardinier épicurien.

La renoncule aquatique dans la mare : « une mauvaise idée », admet Mickaël Pantaleone.

La renoncule aquatique dans la mare : « une mauvaise idée », admet Mickaël Pantaleone.

Quentin Top/SO

Dans son grand domaine en pente, parmi les variétés de raisins « oubliés », les piments de Monein, le shiso, les tests de tomates, d’agrumes, les fleurs, les clapets à lapins, un point d’eau grouille de guppys. « Une plante terrible, la renoncule aquatique, a tout envahi. On va bientôt curer la mare et stocker les poissons dans des tonnes à eau », détaille Mickaël Pantaleone. Le curage est fastidieux mais sera pourvoyeur de limon, « une super matière organique » et de poissons, mangeurs de moustique. « Il y en a peut-être des milliers », destinés au don, et au pire à devenir de l’engrais.

Une espèce invasive

« Une dizaine de guppys suffit par personne, explique le polycultivateur. C’est un poisson rustique, très résistant, qui peut vivre aveugle s’il reste dans l’obscurité. On l’a choisi aussi parce qu’il ne mange pas les œufs de grenouille. » Bref, l’arme antimoustique parfaite ? L’image de la gambusie s’est pourtant écaillée au fil de son utilisation planétaire. L’usage de l’espèce invasive se raisonne. « Il faut un milieu fermé, et il faut faire très attention, limiter le risque de dispersion », alerte Mickaël Pantaleone.

Mickaël Pantaleone a l’habitude de dévaler son jardin en pente qui fait face aux Pyrénées (ici masquées par l’orage en approche).

Mickaël Pantaleone a l’habitude de dévaler son jardin en pente qui fait face aux Pyrénées (ici masquées par l’orage en approche).

Quentin Top/SO

À l’image de ses pousses expérimentales, vouées à être partagées en graine, le Jardin épicurien propose avec « humilité », « bon sens paysan » et « toujours le doute », de tester l’efficacité d’un frein à la propagation du moustique tigre. « Il n’y a pas de solution miracle, le guppy n’éradique pas non plus mais il peut aider. Le meilleur remède reste la prévention, éviter par exemple le pneu qui traîne, la gouttière mal curée… » Quant aux poissons, les préconisations sont simples : « un petit seau d’une dizaine de litres acheté dans un magasin de bricolage suffit. On peut mettre un peu de lentilles d’eau pour oxygéner un peu mais le guppy est tellement facile à vivre… »

Une centaine de personnes du voisinage auraient déjà manifesté leur intérêt pour les poissons du Jardin épicurien. Le circuit court se diversifie en Béarn, même s’il est ici question d’un poisson américain qui facilite la coexistence avec un moustique asiatique.

Un simple engagement
L’association du Jardin épicurien donne ses poissons mais pas les contenants et demandera aux bénéficiaires de signer un « petit papier qui dit qu’ils s’engagent à ne pas disperser les guppys dans les cours d’eau et, au contraire, à les partager s’ils en ont trop ».