Cette semaine, sur ce site, nous vous avons partagé une
interview donnée par Uccio Salucci, directeur de l’équipe Ducati
VR46 en MotoGP. Dans celle-ci, il disait être sûr « à
99 % » de prolonger Franco Morbidelli pour la saison
prochaine. C’est, à mon sens, une décision assez incompréhensible,
et je vais tenter d’expliquer pourquoi.

Les résultats sont-ils à la hauteur ?

 

Que l’on soit clair : Franco Morbidelli n’est pas
un mauvais pilote.
Cependant, je m’attendais clairement à
ce que Ducati VR46 ne le prolonge pas, donc je suis très étonné de
cette décision d’Uccio, sans doute appuyée par l’expertise de
Valentino Rossi, qui n’est jamais très loin. Deux raisons,
principalement, me poussent à dire que c’est une erreur.

 

Ducati VR46 MotoGP

Morbidelli a bien performé en début de saison car il était le seul
qui connaissait déjà sa Ducati, vu qu’il avait une GP24 l’année
passée. Photo : Michelin Motorsport

 

Premièrement, les résultats. Le verdict rendu par la piste,
toujours objectif, est sans appel : Franco Morbidelli
n’évolue pas au niveau des meilleurs pilotes
. Vous me
direz, c’est le cas de beaucoup d’autres, sauf que pour une écurie
Ducati, ça la fout mal. Ducati VR46 est actuellement l’équipe
exploitant des Desmosedici la moins bien placée au classement, très
loin de Gresini Racing. Et Franco Morbidelli, s’il est encore
cinquième du classement général devant Fabio Di Giannantonio,
est celui que je considère comme le plus faible pilote
Ducati
. Je sais – et j’espère pour lui – que les trois
dernières courses de « Diggia » ne reflètent pas son vrai
niveau, d’autant plus qu’il a manqué de chance au Red Bull Ring
avec cette casse moteur. Pour Fermin Aldeguer, classé huitième à
l’heure où ces lignes sont écrites, ce n’est plus qu’une question
de temps avant qu’il passe devant au vu de son rythme
d’apprentissage.

Morbidelli n’a pas totalement raté son début de saison, car il
compte tout de même deux podiums et affiche une régularité
correcte. Il a aussi été blessé au Sachsenring et a manqué deux
courses, d’accord. Oui, mais voilà ; depuis son deuxième top 3
au Qatar – acquis sur tapis vert –, « Franky » régresse.
Son dernier top 5 remonte au Grand Prix d’Aragon.
Désormais, il est souvent distancé, loin de se bagarrer pour des
places intéressantes.

Ce n’est pas tout : on ne peut pas nier son problème de
comportement en piste, auquel j’ai déjà dédié deux articles
rien que cette année
. Morbidelli est de loin le pilote qui
ramasse le plus de pénalités pour des étourderies, même s’il s’est
un peu calmé depuis Assen et cette passe d’armes assez
pitoyable avec son coéquipier
. Cela n’aide pas son cas, et
donc, n’aide pas la VR46 à progresser.

 

Se priver de talent

 

Franco Morbidelli mérite sa place en MotoGP, contrairement à ce que beaucoup voudraient
vous faire croire. Mais chez une équipe Ducati qui veut prétendre à
des victoires, j’en doute. Après tout, la VR46 est une entité à
part, et ils font les choix qui leur plaisent. Le seul argument que
je vois en sa faveur concerne son ancienneté au sein de l’académie.
En effet, Morbidelli est historiquement lié à la
VR46
, et fut d’ailleurs le premier champion de cette école
de performance lorsqu’il remporta le titre mondial Moto2 en 2017.
Après son passage raté chez Pramac, la VR46 l’a déjà sauvé une
première fois fin 2024, et on dirait bien que l’association va se
poursuivre.

 

Ducati VR46 MotoGP

Lui
aussi est assez décevant, surtout depuis quelques courses. Mais je
pense tout de même que Di Giannantonio est un meilleur pilote que
Morbidelli. Photo : Michelin Motorsport

 

Malheureusement, je pense que cette preuve de fidélité
est incompatible avec la volonté se rapprocher des meilleures
places au classement général
. En prolongeant Morbidelli,
Ducati VR46 se prive de nombreux talents qui, je pense, auraient
aimé rouler sur une Desmosedici. Cela fait désormais des années que
je dis que la grille Moto2 est l’une des plus fortes de l’histoire,
et les rookies, depuis quelque temps, sont tous bons. Signer
Morbidelli n’est pas si grave, non, mais barrer la route à des
Aron Canet, Manuel
Gonzalez (leader du mondial Moto2 toujours sans proposition d’une
équipe MotoGP!), Diogo Moreira et bien d’autres l’est beaucoup
plus. Prenons l’exemple du Brésilien, dernier nommé.

Moreira est une espèce de poule aux œufs d’or. En ce moment, il
est courtisé de toutes parts, d’après les rumeurs. Il combine deux
qualités assez rares : il est bon au guidon, et il est
Brésilien, un très gros marché que le MotoGP aimerait bien
conquérir dès 2026
. On évoque son futur tantôt avec Pramac
Racing, tantôt avec Honda… mais imaginez seulement que Ducati VR46,
qui n’a pourtant pas l’envergure d’une équipe d’usine, lui fasse
une offre alléchante également. Je pense que la qualité du matériel
compenserait largement tout le reste pour un rookie assoiffé de
succès. Et si Moreira venait à refuser, alors, un autre
accepterait sûrement !

J’en ferai peut-être un article, mais je trouve que les équipes
MotoGP sont assez fébriles, trop conservatrices dans leurs
décisions. Je ne comprends pas pourquoi des pilotes de la trempe de
Canet, Gonzalez et les autres n’ont même pas de propositions, et
que certaines des écuries les plus respectées de la catégorie reine
n’osent pas prendre de risques, surtout quand on
voit ce dont est capable Fermin Aldeguer – qui n’était pourtant pas
si dominant en Moto2 la saison passée.

 

Conclusion

 

Je pense malheureusement que Morbidelli aura du mal à
s’imposer durablement en MotoGP lors de la saison 2026
. À
31 ans, il devra faire face à des monstres chez Ducati, dont un
Fermin Aldeguer dans sa deuxième année. Je trouve que la timide
décision de Ducati VR46 est un poil trop conservatrice, et que
cette fidélité exacerbée pourrait coûter très cher à une équipe qui
a légitimement le droit de prétendre à battre Gresini Racing, et
entériner sa place « d’écurie satellite officielle »
comme l’était Pramac. Je ne vois pas comment Franco
Morbidelli pourrait faire passer Salucci et ses hommes dans une
autre dimension.

Je suis curieux de savoir si vous partagez mon avis quant à
cette décision. Auraient-ils dû prendre plus de risques ?
Dites-le-moi en commentaires !

Pour rappel, cet article ne reflète que la pensée de son auteur,
et pas de l’entièreté de la rédaction.

 

Avec
Morbidelli, on sait à peu près à quoi s’attendre, et c’est ce sur
quoi mise Salucci. En revanche, je pense qu’un Moreira, un Canet ou
un Gonzalez en valaient la peine. Il fallait au moins essayer.
Photo : Italtrans

 

Photo de couverture : Michelin Motorsport