Au printemps 2024, Bordeaux a connu une série de cinq overdoses parmi les adeptes du chemsex, cette pratique consistant à enchaîner durant plusieurs heures les prises de drogues de synthèse et les rapports sexuels en groupe et entre hommes. Trois d’entre eux en sont morts. Si aucun lien n’a pu être établi entre ces différentes affaires par les policiers de la Division de la criminalité territoriale (DCT), les enquêteurs ont néanmoins identifié l’un des fournisseurs de produits stupéfiants qui a vendu du GBL et de la 3MMC à un architecte d’intérieur de 57 ans, décédé au cours de la soirée du 8 avril, à son domicile, dans le centre-ville de Bordeaux.
L’autopsie a conclu à une mort violente par polyintoxication à la suite d’une insuffisance respiratoire aiguë. La victime avait rencontré son partenaire via un site sur Internet un an auparavant. Ce jour-là, ils avaient passé l’après-midi ensemble et consommé plusieurs substances stupéfiantes.
Les investigations se sont rapidement orientées vers le fournisseur de drogue, Riad Bouziane, âgé de 34 ans.
Un fournisseur notoire
Né en Algérie, il est en situation irrégulière lorsqu’il arrive en France en 2014. Il travaille en intérim avec de faux papiers et se lance ensuite dans le trafic de stupéfiants pour financer sa propre consommation mais aussi payer son loyer et assurer son train de vie au quotidien.
« Vous aviez une certaine notoriété pour fournir des drogues lors de soirées chemsex », constate Cyril Vidalie, qui préside la 5e chambre du tribunal correctionnel devant laquelle comparaît Riad Bouziane, ce jeudi 21 août, pour répondre d’homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence et transport non autorisé de stupéfiants.
« Chez lui, c’est une épicerie, on trouve exactement ce que l’on veut »
Ce dernier nie farouchement avoir vu la victime avant les faits et affirme être étranger à son décès. « Je ne l’avais pas vu depuis trois semaines. Il m’a appelé plusieurs fois et je n’ai pas répondu. » En revanche, il admet savoir que les produits qu’il vendait pouvaient être très dangereux. « Vous ne donniez pas des conseils ? » interroge le président. « Si, bien entendu », répond le prévenu.
« Un infâme trafic »
Les témoins entendus lors de l’information judiciaire révéleront que la victime chronométrait les prises de stupéfiants. Le GBL, toutes les 1 h 30 et la 3MMC sniffée toutes les trente minutes. Riad Bouziane avait une cinquantaine de clients dans la métropole bordelaise auxquels il fournissait de la drogue depuis janvier 2020 : 3MMC, GBL, kétamine, ecstasy, cocaïne et cannabis. « Chez lui, c’est une épicerie, on trouve exactement ce que l’on veut », observe Margaux Jovin, représentante du ministère public. « Il y a bien un autre fournisseur identifié mais il était en prison au moment des faits. »
« Cette mort aurait pu être évitée », soupire Me Isabelle Aizpitarte, partie civile au nom de la mère et de la sœur du défunt « devenu addict au chemsex ». L’avocate estime que son décès « est la conséquence de cet infâme trafic dont le prévenu est le fournisseur exclusif ». « La victime était consciente de la toxicité et du danger que représentaient ces produits », oppose Me Sylvie Reulet, pour la défense. « Il connaissait les risques et avait le choix de ne pas en prendre. Or, il a continué avec des excès de dosage et a concouru à ce qui lui est arrivé. »
Le tribunal a reconnu Riad Bouziane coupable et l’a condamné à quatre ans de prison ferme. Depuis le 22 avril 2025, il est également mis en examen et placé en détention provisoire dans le cadre d’une autre affaire pour homicide involontaire, non-assistance en péril et usage de stupéfiants après le décès d’un homme, à Bordeaux.