Publié le
22 août 2025 à 8h46
Pieds nus dans son grand jardin. « C’est l’avantage de travailler sans machine ! », s’amuse Alice Ménard qui, ces dernières semaines, reçoit dans sa boîte aux lettres, dans son exploitation à Saint-Julien-de-Concelles, du courrier atypique de la part de certains de ses clients : des clichés de la place Royale à Nantes.
Des clients sans doute surpris de voir que « leur petite maraîchère qui se balade pieds nus, toute crassou ! », comme elle se décrit avec le même sourire lors de notre passage, est présente sur l’élégante place nantaise. Il s’agit d’une sculpture hyperréaliste d’elle, agenouillée dans une posture classique en train de cueillir au sol des légumes imaginaires.
Avec elle, une dizaine d’autres figures du territoire – dont le vigneron de La Haie-Fouassière, Jo Landron – ont ainsi été représentées dans un contexte assimilable à leur milieu naturel, suggéré par leurs tenues et attitudes. Avec son œuvre Latest Version, proposée dans le cadre du Voyage à Nantes (VAN), l’artiste originaire des Pays-Bas, Willem de Haan, cherche ainsi à interroger notre rapport à l’espace public. Retirées du monument mais visibles à proximité, les quatorze statues d’origine ont ainsi cédé leur « place » temporairement, le temps de faire l’objet d’un important programme de restauration.
» J’ai été assez touchée qu’on ait pensé à moi »
Alice Ménard s’est naturellement greffée à ce projet artistique car ses liens avec le VAN sont déjà établis : elle participe par exemple au Grand marché et travaille avec des chefs listés dans le guide des Tables de Nantes, dont sa « meilleure cliente » Sarah Mainguy du Freia.
« J’ai été assez touchée qu’on ait pensé à moi, je me suis posée la question sur le fait d’être représentée sur la place d’une énorme ville pendant des mois !, en rigole la jeune femme de 29 ans, dont la modélisation a été réalisée en février dernier en environ une heure. Je trouve que c’est un beau parti pris de vouloir représenter une alternative. »
La maraîchère a reçu beaucoup de messages de félicitations pour sa présence sur la place. ©HSM
Présentée dans le cadre du Voyage comme « génie du maraîchage », Alice Ménard est mise en avant car elle représente une nouvelle génération de producteurs attentifs aux saisons, aux circuits courts et aux enjeux écologiques contemporains.
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Son électrochoc est survenu lors d’une année de fac « complètement ratée » en langue durant laquelle, en plus de suivre de près ce qui se jouait à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, elle va passer des mois à travailler sous des serres de tomates hors sol :
« Je me suis rendue compte de la catastrophe en matière d’agriculture, d’alimentation. J’ai des convictions, j’ai envie d’être actrice de ces convictions. »
Sa mine d’or ? L’exploitation de son père
Sa chance aura été d’être une « fille de » et d’être « assise sur une mine d’or » : l’exploitation de son père, sur laquelle il cultivait de la mâche, qu’il allait lui transmettre. 4 hectares en tout dont elle exploite aujourd’hui, en bio, seulement le quart pour ses 80 légumes produits. Un porteur de projet doit bientôt s’installer sur place, l’idée étant de remplir petit à petit les hectares qui ne sont pas encore cultivés.
« Ils ont dû bien rigoler »
« C’est une dynamique différente des projets agricoles aux sols surexploités. On n’est pas pressé de tout remplir. Tout est complètement exploitable, mais le sol a besoin de se reposer », juge la jeune professionnelle, dont les parents ont été très soutenants dans son projet.
Quid de ses homologues du secteur, ceux qui font plus de volume, qui ont pu avoir eu vent de sa présence place Royale ? « Je ne sais pas si c’est arrivé aux oreilles des collègues », avoue-t-elle, avant d’enchaîner :
« Je n’ai pas une posture vindicative auprès de mes voisins. Je sais que mon installation a dû faire parler un peu. Ils ont dû bien rigoler. Mais ça continue, tout va bien, ça fait 6 ans que je suis là. »
Ici et encore quelques mois sur la célèbre place.
Ses paniers sont disponibles aux AMAP de Saint-Julien-de-Concelles et de Mauves. Sur Instagram : « menardalicemaraichere ».
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